Par Jacques Ferber.

Dans le billet sur La projection du féminin intérieur j’avais parlé du mécanisme de projection de l’homme sur la femme et dans La tragédie de l’homme : ne pas connaître le féminin j’avais parlé de la tragédie du masculin qui était de ne pas connaître le féminin. Je voudrais ici parler de la tragédie de la femme et du féminin, tel que je la vois, et regarder comment cette tragédie peut être surmontée et dépassée. Car ici comme ailleurs, il ne s’agit surtout pas de renier cette part d’ombre, car c’est dans cet aspect tragique, dans cette zone de souffrance, que se situe le germe du développement et l’accès à la transcendance.

Si le masculin peut ignorer le féminin, il n’en est pas de même du féminin qui, par sa nature, est relation. Pour prendre une image, si le masculin peut être représenté comme un arbre (force, pilier, courage, continuité, détermination, tranchant, etc..), le féminin est la liane qui s’enroule autour des arbres et qui relie tous ces arbres pour créer un réseau végétal. La femme étant l’incarnation naturelle du féminin, elle ne voit souvent le salut que dans la relation et elle sent plus que l’homme, le besoin du rapport aux autres pour exister. L’homme croit souvent qu’il n’a besoin de personne, qu’il peut tout faire tout seul. C’est d’ailleurs sa qualité, savoir (ou vouloir) assurer en toutes circonstances, mais il tend à ignorer tout ce qu’il doit aux autres pour être ce qu’il est. En revanche, la femme sent l’importance de la relation dans sa vie. Il suffit de parcourir les magazines féminins pour voir combien les femmes sont friandes de tout ce qui touche à la relation en général (les rapporta aux amies, aux parents) et surtout à la relation homme-femme. Dès que des hommes sont entre eux, ils parlent de foot, de voitures, de gadgets, de boulot (un peu moins les hommes nouveaux…) et quand ils parlent des femmes c’est souvent sur le mode de la conquête. Les femmes entre-elles ne parlent … que des hommes ☺ (sauf quand elles sont mères et qu’elles parlent des enfants). Évidemment, c’est un peu cliché, mais cela correspond globalement à une tendance.

La femme se situe dans un rapport particulier fait de peur et de dépendance vis à vis de l’homme, une situation paradoxale, qui ne paraît « évidente » qu’aux femmes, puisque cela fait partie de leur propre mode de fonctionnement, mais qui semble souvent assez « bizarre » pour les hommes.

La peur et la dépendance vis à vis de l’homme

Les femmes ont peur de l’homme, du masculin conquérant de la force qui prend. Elles ont pour cela toutes les raisons d’avoir peur : des millénaires de viols, d’objétisation de la femme, de déni, d’oppression et de contrôle du féminin par la société patriarcale a créé un inconscient collectif d’angoisse vis à vis de tout ce qui touche au désir de prendre des hommes. C’est particulièrement criant dans les stages de développement personnel mettant en œuvre un rapport sensuel entre homme et femmes (Tantra, massages à l’huile, etc..).

La femme dans un premier temps a besoin d’être sécurisée, de se sentir reconnue en tant que femme. L’homme ne comprend pas toujours ce surcroit de protection nécessaire à la femme pour se sentir bien et s’ouvrir à l’homme. Il ne comprend pas ce que cela fait d’être pénétré, de recevoir l’autre en soi, de s’ouvrir dans sa plus profonde vulnérabilité. De ce fait, parce que l’homme peut être brutal, grossier, objétisant, et parce qu’il l’a été dans le passé (individuel mais surtout collectif) la femme tend à maintenir l’homme à distance dans un premier temps, tout en cherchant à plaire, à séduire, pour que celui qu’elle a choisi vienne la rejoindre en union. Parfois, les hommes un peu inhibés, manquant de yang, peuvent prendre la femme à la lettre et s’arrêter là, sans chercher à aller un peu plus loin, et ne pas comprendre que si elle dit « non » maintenant, c’est peut être simplement pour éprouver l’homme dans son intention, pour savoir où il se situe (bon parfois, un non signifie aussi un non. C’est là que ça devient difficile pour un homme…). Elle le juge, l’évalue. Sera-t-il un bon amant ? Un protecteur ? Un bon père de ses enfants ? Est-il capable d’avoir une direction dans la vie tout en se laissant transformé par le féminin ? A-t-il à la fois des couilles et un cœur ? De la puissance et de l’attention ? M’aime-t-il réellement ? Va-t-il rester avec moi ? Elle peut même projeter (bien qu’elle s’en défende), l’image du Prince Charmant, qui à la fois domine le monde (« c’est un prince« ) et ne voit pourtant qu’elle (« je suis l’élue de son cœur« ). Cendrillon, la Belle au Bois Dormant, ou la Belle et la Bête ne sont pas très loin à ce moment. Elle a besoin de vérifier que l’homme puisse assurer, par ses qualités de leader, de courage, de protection, tout en étant tendre et prévenant. C’est le moment où la femme fait « durer le plaisir » de l’attente, en vivant les frôlements du désir qui monte et si possible en se jouant un scénario romantique « je l’aime, il m’aime » (cf. mon précédent billet sur L’amour romantique).

Dans cette phase, une femme encore un peu infantile peut sembler très paradoxale : elle demande à l’homme de dire tout ce qu’il pense, qu’il lui soit totalement transparent, mais en même temps elle ne veut entendre que des « je t’aime toi exclusivement et pour la vie ». C’est la petite fille qui parle, dans cette demande absolue d’être entièrement l’objet de l’amour de l’autre. Elle dit : « je cherche l’amour absolu sans lequel la vie ne vaut pas la peine d’être vécu« . Entendez : « je veux être aimée totalement, exclusivement, et que tu sois tout à moi, rien qu’à moi ». Une manifestation de l’ego ? non…. ☺

Une fois la peur de l’homme franchie, vient la dépendance. La tragédie de beaucoup de femmes, c’est de croire que leur existence, leur réussite, leur bonheur et leur plaisir dépend de cette relation, qu’elle n’existe qu’au travers d’une vie à deux avec un compagnon. Évidemment, cette situation a été dénoncée par le féminisme qui a vu là l’expression de la domination machiste, et du stéréotype de la femme « féminine » qu’il fallait casser. Et effectivement, il y a beaucoup de stéréotypes là-dedans, mais pas seulement. Les femmes qui se sont rebellées contre ces stéréotypes féminins, sont devenues comme des hommes : affirmées, courageuses, compétitives, rationnelles, mais aussi compétitives, sèches, ayant perdu leur intuition. En gros, elles ne se sont libérées d’un stéréotype que pour en endosser un autre, celui de l’executive woman, de la « femme libérée » comme on disait dans les années 80, une femme dirigée en fait par sa partie masculine, son animus, pour employer un terme Jungien. De ce fait, si dans un premier temps les femmes ont été dominées, dans le second, les femmes sont devenues l’égal des hommes, mais en endossant un costume masculin. Dans les deux cas, le féminin est nié, dévalorisé.
La peur et la dépendance engendrent tout un ensemble de comportements destinés à juguler cette peur. J’ai parlé de mettre l’homme à distance, mais il y a d’autres comportements à l’âge adulte, qui viennent compenser des mécanismes infantiles sous-jacents. Lorsque la femme a peur, elle peut tomber dans les écueils les plus fréquents (qui correspondent aux aspects négatifs des archétypes du féminin.

1- Rester une petite fille et chercher un « père », c’est-à-dire un être protecteur qui lui assure des revenus et qui la protège. Dans ce cas, elle cherchera à être très « féminine » (dans l’acception patriarcale du terme), en étant sexy, séductrice, « poupée Barbie », pour correspondre à l’image projetée de l’anima de l’homme (un aspect dégradé de l’archétype d’Aphrodite/Vénus, la déesse de l’amour). Tout se passe bien en général tant que la femme est belle et jeune, car elle peut lutter contre les prétendantes en mettant en avant sa plastique (image de la « Bimbo »). Mais l’âge aidant, la vie l’amènera parfois à faire un travail sur elle, à sortir de ce comportement infantile car le temps travaille pour son âme en dégradant son corps.

2- Prendre le contrôle de son environnement, en cherchant à tout maîtriser, surveillant tout, supervisant tout, en particulier son compagnon. Elle fera tout alors tout pour garder son homme en le « castrant » légèrement, c’est-à-dire en faisant en sorte qu’il ne soit pas trop « puissant » et rayonnant pour empêcher qu’il prenne son envol et qu’il la quitte. Personnellement, je vois beaucoup de couples autour de moi (dans le développement personnel, l’écologie et la recherche scientifique), qui sont dans cette situation : une femme contrôlante et un homme peu puissant. Je reviendrai bientôt dans un prochain billet sur ces structures de couples. Dans le domaine des archétypes, c’est Héra/Junon, la femme de Zeus/Jupiter, la femme éternellement jalouse de son homme ou bien Athéna, la femme de tête qui devient executive woman et prend le contrôle de sa vie en devenant aussi efficace qu’un homme.

3- Fuir toute relation avec les hommes et devenir une « nonne » en renonçant à la sexualité (et surtout à toute vie en couple) et éventuellement à la maternité (archétype de la femme adolescente, Artémis/Diane). Soit en restant une éternelle adolescente rebelle, soit en devenant un être hommasse (le pendant féminin de « femmelette » pour un homme), lorsque le masculin prend toute la place pour empêcher de « sentir » la vie et les peurs qui vont avec.

4- Devenir une « femme fatale » en se mettant en position de domination vis à vis de l’homme. Cette attitude lui permet de ne plus avoir de relation sentimentale avec un homme, uniquement préoccupée par le sexe pour ne pas avoir à ouvrir son cœur (archétype de la femme Lilitth). Mais ce faisant, elle se retrouve souvent seule (les autres femmes la chasse, elle ne peut pas avoir de relations d’égalité avec un homme), en quête perpétuelle de celui ou de ceux qu’elle pourra dominer en les liant par le sexe.

5- Devenir une « mère universelle » en s’occupant des autres et en niant toute la partie sexuelle et charnelle de la féminité. Elle peut le faire en étant totalement effacée et en s’oubliant elle-même (archétype de Hestia/Vesta, la déesse du foyer), ou au contraire en n’étant plus que mère et en voulant tout pour les autres (archétype de Déméter, mais aussi de la « mère juive » (ou méditerranéenne) qui se met au service du foyer en étouffant les autres par sa personnalité rayonnante)

Pour plus de précision sur ces types féminins et leurs archétypes on pourra se référer avec bonheur au livre de Christine Champougny-Oddoux · Femme et Déesse Tout simplement -Rencontre avec le féminin sacré. Souffle d’Or. Attention, je n’ai parlé ici que des aspects négatifs de ces archétypes, c’est à dire de la manière dont la peur est transformé soit en inhibition et en retrait de la vie, soit en demande vis à vis d’autres pour être protégés, soit en contrôle de l’environnement. Ils peuvent se ramener à quelques éléments de base : « j’ai peur de la vie, alors je me fais toute petite« , « aime moi, protège moi, je suis une gentille fille et je m’adapterai à ce que tu veux de moi » ou bien « je ne me laisserai pas faire, je maîtrise mon environnement pour ne pas être maîtrisée moi-même« . Ce qu’il faut comprendre, c’est que tous ces comportements sont des réactions face à la peur (et notamment la peur/attirance vis à vis de l’homme), lesquelles empêchent le développement de la femme, en incarnant le Divin Féminin qui a été représenté sous la forme de déesse telles que Aphrodite/Vénus, Isis et Shakti, la divinité/principe femelle du tantrisme.
Mais que signifie « incarner le Divin Féminin » ? Que veut dire aller dans sa puissance féminine sans nier l’homme, sans en avoir peur et sans être dépendant de lui non plus ?

Le vide créateur

Il me semble que cette peur et cette dépendance peut à la fois être comprise et transcendée en essayant d’appréhender ce qui constitue l’essence du féminin, c’est à dire sa capacité à engendrer du nouveau à partir du vide intérieur, dans l’accueil de l’autre en soi. Je m’explique. Le Vide (la vacuité disent les bouddhistes) est la matrice génératrice de la matière et de la forme. Le Sutra du Coeur le dit: « La forme est vacuité, la vacuité est la forme ». Ce que je lis comme « La forme n’a pas d’essence autre que la vacuité, et la vacuité engendre/est la matrice même de la forme » : matière et vide énergétique ne sont que deux faces, deux apparences de la même pièce. L’espace infini est pratiquement vide : où que l’on regarde dans l’univers, c’est du vide dont il est question. Les atomes sont essentiellement constitués de vide. Le vide est partout mais on ne le voit pas. Il est la base, le fondement à partir duquel la forme (c’est à dire la matière, le mouvement, les choses) peuvent émerger.

Or le masculin et le féminin ont un rapport différent vis à vis du vide. Le masculin va vers le vide, il est attiré par la mort, où il voit le début de la renaissance. C’est le héros qui brave la mort pour aller vers son destin, c’est l’amant qui éjacule toute sa puissance avant de sombrer dans la « petite mort », c’est la jouissance du défrichement et de l’éradication du mal, de la « place nette » réalisée de manière rapide avec puissance (c’est la technique du karsher ou encore du nettoyage par le feu, à ne pas confondre avec celle de l’éponge et de la serpillère ☺ ), c’est enfin le méditant Zen qui devient progressivement cette vacuité par l’ascèse et la pratique méditative, c’est Shiva, la conscience absolue, infinie, sans forme ni objet.

Pour le féminin, le vide ne se situe pas à la fin, mais au commencement à la source de la création. L’enfant surgit du vide matriciel, comme la forme émerge de la vacuité. Seul un Dieu mâle peut dire : « que la lumière soit, et elle fut ». Une Déesse aurait dit : « le monde a surgi de moi quand c’était le moment. Il s’est enfanté de moi ». Il n’y a pas de « je » solide dans le féminin pur (l’ego est yang par nature), juste la place, le creuset alchimique pour que tout puisse advenir. Or ce vide, la femme le vit à l’intérieur d’elle. Freud et Lacan ont eu raison quand ils ont parlé du rapport au manque pour la femme, mais ils ont eu tort, d’après moi, d’y voir un « manque de phallus », cette vision étant très marquée culturellement par la culture patriarcale de leur époque. Non, la femme vit la vacuité dans son être même, mais un vide, et c’est là le paradoxe, qui n’est pas un manque mais le potentiel, la source de création de la forme.

/>Anatomiquement parlant, le sexe de la femme n’est pas à l’extérieur comme un être indépendant qui fait ce qui lui passe par la tête. Si les hommes appellent « popaul » leur pénis c’est qu’à la fois ils peuvent le voir, mais aussi qu’ils le vivent comme plus ou moins séparés d’eux. C’est d’ailleurs le paradoxe de l’homme : son sexe détient sa virilité mais il ne le contrôle pas, et il est en dehors de lui. De ce fait, l’homme passe sa vie à essayer d’incorporer son sexe à le faire devenir partie de lui-même.

Ce n’est pas le cas pour la femme, dont le sexe est entièrement à l’intérieur. Il ne s’agit plus d’incorporer son sexe, mais de le découvrir, de le faire surgir de cette invisibilité initiale, de l’exprimer dans sa capacité d’accueil et de réception, de le vivre dans son incarnation la plus totale, et ainsi de faire Un avec la Vie. L’anglais a un mot pour décrire ce ventre géniteur de la femme : the womb (prononcez woum. Cela rime avec moon, joli non?), qui comprend tout l’appareil sexuel et reproducteur (vagin, uterus, ovaires). En français, une des traductions que je préfère est « La Grotte Sacrée ». Tout y est dit : l’intériorité, l’obscurité, le mystérieux, mais aussi le sacré et la relation directe à la Vie. Mais comment cette grotte mystérieuse, qui est le fond de son existence, mais qu’elle ne peut pas voir, peut-elle se révéler à la femme ? Comment la femme peut-elle devenir entièrement femme ? C’est là toute la complexité, et en même temps la simplicité du développement de la femme : c’est compliqué si on l’appréhende par le mental, c’est évident si on le vit.

Dans un premier temps, la femme peut vivre cette vacuité intérieure comme un manque, qu’elle va chercher à combler. Elle peut chercher à remplir avec de la nourriture (boulimie) ou par l’achat de vêtements et de parures pour se sentir plus belle. Mais il s’agit là d’un comportement compensatoire qui ne peut masquer le désir profond d’être comblée dans son ventre même, de sentir la source de Vie en elle-même.

Dans un second temps, c’est par la pénétration d’un sexe d’homme qu’elle peut se sentir comblée, complète, totale. Dans l’acte sexuel, la femme peut aller très loin dans la disparition de soi, car il lui suffit de s’abandonner à sa nature féminine d’accueil et de lâcher-prise. Le vide devient plein, la vacuité devient totalité, et elle peut faire alors l’expérience de la transcendance, de l’Union Cosmique. En faisant simplement l’amour avec un homme dont elle n’a plus peur, elle peut découvrir en quelques instants ce qui a demandé des années à un maître spirituel et faire l’expérience de la dissolution du moi, de la mort, de l’Union Cosmique. C’est pourquoi on dit dans certaines traditions que la femme n’a pas besoin d’initiation parce qu’elle est déjà initiée. En fait ce n’est pas totalement vrai. Elle a juste besoin de se découvrir dans ce Creux qui est à la source du Plein, d’aller totalement et complètement dans son propre féminin qui l’habite. Mais dans cette démarche, elle peut croire que c’est l’homme qui lui a donné ce plaisir, qu’il est responsable de cette félicité. Et quand il se retire (parfois un peu brusquement) elle peut être amenée à penser ou à dire « reste encore un peu, comble moi encore » en croyant que l’extase qu’elle a vécu dépend totalement de l’homme qui l’a « fécondée » de son sexe. Elle en veut plus, car elle a goûté non seulement au plaisir du sexe, mais surtout à l’extase de la dissolution, à la plénitude d’être rien, à la divinité incarnée dans la félicité.

Et elle qui était un peu distante tout à l’heure, devient toute autre : animale, à la fois panthère et chatte, au service de l’homme qui lui donne ce plaisir, et redemandant encore plus d’amour et de sexe. Elle sait intuitivement que le sexe est la porte d’entrée à quelque chose de plus profond, de plus puissant. Elle se sent au service de la Vie, dans son acte créateur, au travers de l’amour, du désir et de la rencontre amoureuse. A ce moment, elle n’a plus peur de l’homme, bien au contraire. Elle désire sa puissance virile au plus profond d’elle. Et plus elle s’ouvre, plus elle se sent à la fois fragile et puissante, plus elle rencontre le Divin Féminin, dans son incarnation la plus simple.. Elle devient Aphrodite, Shakti, Marie-Madeleine,.. Elle n’est plus femme, mais l’incarnation de la divinité, telle Isis à la fois épouse, amante, mère, réparatrice des blessures et fécondante ou Ishtar, déesse de l’amour, du sexe (dans ses temples se livrait la prostitution sacrée), de la fécondité et de la guerre. Dans cet acte d’amour charnel, qui inclut toute la personne (sexe, coeur et conscience), elle devient la synthèse de toute la féminité, à la fois déesse du sexe et vierge, sorcière et nourricière, et bien plus encore… Et c’est justement à ce moment là que beaucoup d’hommes ont peur, car ils sentent intuitivement qu’ils ne peuvent plus contrôler cette femme. Celle qu’ils voyaient comme un être fragile est devenue un démon sexuel, un être qu’ils vivent comme insatiable et ils se demandent s’ils vont pouvoir assurer. Le « Alors heureuse? » du macho n’est qu’une demande dissimulée pour se rassurer et entendre un « mon chéri comme tu m’as comblée ». Le sexe mou après l’amour, l’homme se sent très vulnérable quand la femme se sent encore plus femme et plus rayonnante. C’est d’ailleurs toujours amusant de voir un couple après une folle nuit d’amour : l’homme a des cernes sous les yeux, il cherche un remontant, quand la femme arbore un grand sourire et donne l’impression d’être une source de lumière permanente.

Faire l’amour avec un homme qu’elle aime (entendez « dont elle n’a pas peur et qui la reconnait comme femme »), rend la femme à la fois plus en contact avec son féminin, avec l’essence et le mystère de la Vie, mais plus fragile aussi dans son être. Après un rapport amoureux, la femme ressent encore le sexe de l’homme en elle pendant des jours. Toute la vie disent certaines. C’est pourquoi elle tend à choisir son compagnon avec soin, ne cherchant pas à être pénétrée par n’importe qui, chaque homme risquant de venir ajouter une histoire, une mémoire en elle. Au fil du temps elle peut se sentir comme contaminée, comme si plusieurs couches se superposaient en elle, devenant de plus en plus un fardeau dans sa vie. Il lui faut alors vivre des rituels de réparation et des soins énergétiques destinés à enlever toutes ces couches qui lui empêchent d’être totalement elle-même, pour redevenir vierge (« like a virgin » chantait Madonna), lavée de toute souillure, de toute mémoire, Déesse éternelle de l’amour.

Au-delà de la peur et de la dépendance

Si elle a traversé tout cela, si elle a intégré cette capacité auto-réparatrice en elle, c’est à dire quand elle a réellement fait l’expérience que le Divin Féminin est en elle et qu’il ne dépend pas de l’homme, quand elle a réalisé que sa Grotte Sacrée est réellement son centre, et qu’elle le sent en permanence, alors elle sent une nouvelle force en elle. Elle a trouvé sa source, son centre, sa puissance à l’état pur. Elle a intégré la puissance du masculin en elle, mais une puissance qui a été transmutée par le féminin. De l’extérieur, la femme devient magnétique. Elle attire car elle n’est plus dans le besoin. Elle est à la fois vierge et salope, pure et démoniaque. Ces deux pôles féminins se sont unis en elle. Elle n’est plus la femme d’un homme, mais l’épouse de la Vie. Un peu sorcière, un peu fée, très féminine, insaisissable par l’esprit rationnel, elle semble tisser des fils de magie dans l’espace. Si elle n’est pas en couple, elle fait l’amour rarement, mais à chaque fois, il s’agit d’une expérience mystique, un dépassement total de l’être, une célébration de la Vie et de l’Amour, sans attachement. Elle a tout donné d’elle, mais elle sait qu’elle existe au-delà de tout cela et elle n’a plus peur. La félicité est dans l’instant présent, dans le courant qui la pousse et auquel elle s’abandonne avec joie et volupté. Elle n’aime plus quelqu’un de particulier, car son amour est devenu plus général et plus fort aussi. Elle aime la Vie telle qu’elle s’incarne dans chacun, avec ses forces et ses faiblesse, voyant la force dans ce que les autres appellent faiblesse et vice-versa. Elle peut initier, enseigner, car elle en contact avec la création. Les hommes « ordinaires », ceux qui n’ont pas réalisés les noces alchimiques en leur sein, ne peuvent les comprendre. Ils tombent sous leur charme, complètement envoutés, ou bien ils ont peur d’elles, leur en veulent, les rejetant. Beaucoup de ces femmes ont été brûlées comme sorcière dans le passé, car elles ne peuvent être soumises à l’ordre patriarcal.

Pour résumer, et parce que ce billet est déjà long, la femme passe par trois étapes successives : la petite fille qui a peur et qui veut être aimée et protégée ou qui compense en contrôlant le monde extérieur, la femme adulte qui s’abandonne à sa féminité dans le cadre d’un couple (et éventuellement d’une famille), et la femme Shakti (à la fois déesse et sorcière, intégratrice des opposés) qui vit dans l’Amour de la Vie et le non-attachement. Bien sûr, ces trois étapes s’interpénètrent, et il y a parfois des retour en arrière, mais globalement il s’agit d’un processus de transformation, et il n’est pas possible de brûler les étapes. On ne peut pas passer de la petite-fille à la Shakti d’un coup de baguette magique, et la phase intermédiaire de la femme mature, liée sexuellement à un homme dans le cadre d’un couple (même si cela ne dure pas toute la vie), semble relativement fondamental.

Bon, comme toujours, ce n’est pas la Vérité qui est écrite ici, juste une vision qui peut-être, je l’espère, vous sera utile. Et profitez-en pour la commenter, la critiquer, l’amender, la questionner, afin que nous puissions avancer dans la compréhension de ce que nous sommes sur cette planète.

Crédit illustration:

La naissance de Vénus: Alexandre Canbanel
Aphrodite: www.atheneraefiel.com/
Ishtar: www.selinafenech.com