Par Claire Philips et Jacques Ferber.

N’avez-vous jamais eu envie de pouvoir rencontrer ou simplement discuter avec une Reine ? Nous ne parlons pas de demander audience à Elisabeth II d’Angleterre. Nous parlons d’une discussion, d’un échange profond, sacré avec une véritable Reine, une Dakini !

Comme Véronique Jannot le dit si bien dans son très beau documentaire « Dakinis, le féminin de la sagesse » : « Derrière le mot ‘Dakini’ se cache tout un monde. Le principe Dakini, c’est le principe féminin. Le langage Dakini s’entend dans le silence, se lit dans le noir ou dans l’espace. Ouvrir cette porte, c’est accepter d’entrer dans la dimension de l’impalpable, de l’irrationnel… Le principe Dakini n’appartient pas qu’aux femmes, de même que le principe masculin n’appartient pas qu’aux hommes. Plus un être devient ouvert et réceptif, plus il se rapproche de ce que l’on appelle : « l’être de sagesse Dakini ».

Traditionnellement, la Dakini est une déité féminine importante dans le bouddhisme tibétain et dans les pratiques tantriques. Littéralement ce sont celles «qui dansent dans le ciel », le ciel étant le symbole bouddhiste de la sagesse inhérente à la vacuité fondamentale, et s’y mouvoir représente les moyens habiles mis en œuvre en vue de l’Éveil universel. Ce sont parfois les épouses des Lamas, comme le fût Kandro Tsöring Chodron, l’épouse du Maître de Sogyal Rimpoche. Elle est considérée comme une pratiquante exceptionnelle dont s’inspirent beaucoup de grands maîtres aujourd’hui !

La bonne nouvelle c’est qu’il n’est pas nécessaire de prendre un billet pour visiter les coins les plus reculés du Tibet ou de l’Inde, pour en croiser. Les Dakinis sont des femmes contemporaines qui, du plus profond de leur sagesse, oubliant leur ego, se mettent au service de l’humanité révélant chacune un des multiples visages de la divinité et en même temps son unicité la plus totale. Elles sont bien vivantes et présentes sur tous les continents. Ce sont parfois des femmes ordinaires qui ne font pas forcément de publicité autour des « bonnes œuvres » qu’elles accomplissent au quotidien. Nous pensons par exemple, à une amie, Jenny B., qui vient en aide très concrètement mais aussi très discrètement à des familles en difficulté en Belgique et au Mexique. Évidemment, elles ne sont pas toutes du niveau exceptionnel de Kandro Tsöring Chodron, mais certaines d’entre-elles sont vraiment très avancées sur le plan spirituel. Ces femmes auraient été qualifiées de « sorcières » dans les siècles précédents. Elles ont, en effet, un lien différent à leur corps, à la terre et à la nature. Elles connaissent les plantes, le cycle lunaire, les roches et les herbes qui soignent. Elles vivent vraiment d’une autre manière que la plupart d’entre nous. La littérature et la musique fourmillent d’héroïnes de cette nature. Dans le célèbre Opéra de Bizet, Don José ne dit-il pas en parlant de Carmen : « certainement, s’il y a des sorcières, cette fille-là en est une ». On peut aussi parler d’Esmeralda, de Calypso, de Salomé, toutes ces femmes qui portent en elles la marque de la liberté, de l’amour sans frein et de la sensualité torride…

A l’occasion d’une rencontre exceptionnelle et tout à fait informelle de quelques-unes d’entre-elles au mois de juin dernier à laquelle Claire assistait avec un groupe de femmes, elles ont eu l’occasion de discuter et de partager ensemble très concrètement au sujet de la dimension spirituelle de l’union physique, mentale et spirituelle d’un Roi et d’une Reine, de ses conséquences à un niveau plus global et de ce que le féminin pouvait visualiser par-delà cette union proprement dite. Le plus fou a été de constater que peu importait le niveau d’avancée spirituelle respective de chacune des femmes présentes. Dans ces discussions, toutes pouvaient visualiser la même chose, ressentir cela très profondément en elles, avoir accès à ce même savoir profond.

Oser l’union d’un Roi et d’une Reine ! « Vœu pieu » ont répondu quelques commentaires masculins à l’article précédent (le désir profond du féminin, initier le masculin à l’amour) et nous comprenons que les hommes puissent avoir cette perception. Pourtant nous avons la sensation intime et profonde que bien souvent les femmes ont renoncé à vouloir montrer leur définition de l’Amour en pensant que l’homme savait mieux qu’elle…  Petit à petit, la femme maintenant ose dire, montrer, faire savoir que pour elle l’Amour a définitivement une autre signification. Et ce « vœu pieu » devient maintenant quelque chose de plus en plus verbalisé de manière « criante » dans des discussions entre femmes, et notamment dans les cercles de femmes qu’anime Claire ou dont elle fait partie. D’une tendance « faible », à peine exprimée ces dernières années, il devient évident que les hommes vont entendre et voir cette approche devenir une tendance très forte dans les prochains mois. Les femmes ont toujours eu « peur » d’exprimer ce qu’elles ressentaient comme une réalité au fond d’elles tant qu’on leur montrait un mode de fonctionnement différent. Pour être confrontées actuellement aux écueils des différents systèmes anciens (aussi bien aux modes de pensées machistes et patriarcal qu’au système « féministe »), elles ne peuvent plus se taire et rester dans le silence. C’est le féminin entier qui commence à se faire entendre directement ! C’est un désir profond qui est là dans le féminin et en même temps par-delà le désir d’union d’une Roi et d’une Reine, il s’agit d’une évidence qui ne demande qu’à être vécue !

Mais qu’est-ce qu’une Reine ?

Dans l’article précédent, l’attention était attirée sur le fait que la femme a au fond d’elle une tendance naturelle au collectif qui la guide bien souvent inconsciemment et qui prend en compte le bien-être humain à un niveau plus global bien au-delà de son ego. Parce que la femme le vit et le ressent dans sa chair, parce que son cycle mensuel le lui rappelle ou le lui a rappelé chaque mois pendant des années, la femme est consciente qu’elle « engendre » sinon la vie en mettant au monde des enfants, mais aussi ses « créations », qu’elles soient pratiques ou artistiques, en les offrant au monde. Elle sait très profondément que dans chacune de ses « créations », elle laisse une part d’elle-même qui se ré-engendre à l’infini, comme une mise en abîme de son essence au travers des siècles. Chacune de ses créations n’est dès lors pas anodine. Cela peut avoir des conséquences pour l’univers entier. Une Reine est donc particulièrement consciente du lien de cause à effet que ses créations peuvent engendrer et a donc une vision très centrée sur le bien commun, le collectif.

Pour être pleinement Reine ou Dakini, pour entrer dans cette puissance, il s’agit pour la femme d’oser aller plus loin que ce qui est considéré comme normal et acceptable par la société. Une femme peut réellement naître à sa féminité lorsqu’elle laisse derrière elle son attachement aux croyances sur ce qu’est une femme, ce qu’elle peut faire ou ne pas faire, ce qu’elle doit penser ou ne pas penser, comment elle doit s’habiller ou ne pas s’habiller, comment elle doit se comporter ou ne pas se comporter, ce qu’elle doit aimer ou ne pas aimer ! Elle « est » pleinement en exprimant ce qui émane du plus profond d’elle-même. La première étape consiste à sortir de cet état de dépendance vis-à-vis de l’amour romantique, cette illusion du « prince charmant » que l’on attend patiemment et dont on dit que cela doit arriver un jour. Cela crée une dépendance à l’autre, à un attachement à l’homme comme cela a été souligné dans des articles de ce site (le désir profond du féminin et la tragédie de la femme ).

Une femme ne peut pas simplement, comme la conscience collective le voudrait, se résumer à deux mots : douceur et ouverture… Il y a aussi un côté que les femmes ressentent toutes au fond d’elles mais qu’on leur a enseigné à brimer. Un côté plus sauvage, plus fou… C’est ce côté qui conduit la femme à oser, à passer par-dessus les règles, les conventions, la bienséance. C’est d’ailleurs probablement pour cela aussi que l’on a si souvent élevé les jeunes filles en tentant le plus possible de brimer cet aspect, et c’est l’enjeu actuel que de réunir l’aspect doux et aimant de la femme avec son côté noir et sauvage, Lilith, comme cela est décrit dans l’article sur Black Swan.

Et c’est ce côté « sorcière » qui fait à la fois peur aux hommes et qui en même temps les attire terriblement. Et c’est justement parce qu’elles faisaient si peur aux hommes que ces femmes sauvages, ces sorcières ont été brûlées jadis. Même à l’heure actuelle où dans certains pays on assassine encore des chamans hommes, c’est encore le féminin qui est tué au travers d’eux. Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander parfois si ce n’est pas parce que les hommes projettent leurs propres réactions que cela leur fait si peur. Un homme « sauvage » qui s’abandonne à ses pulsions peut devenir très vite guerrier, destructeur, tueur. Il rentre dans une dynamique de « je suis le plus fort, je contrains et je tue avec violence ». Une femme qui devient sauvage est juste « wild » (comme disent les anglais), sans règle, sans normes ni tabou, puissante, libérée, éminemment changeante du fait d’être totalement dans l’instant présent ! Elle devient une « femme qui coure avec les loups » pour reprendre le titre du célèbre ouvrage de Clarissa Pinkola Estés.

Bien sûr, les hommes peuvent avoir la sensation qu’elle devient « destructrice » elle aussi à l’image de ce que nous percevons de la déesse Kali. Vous savez cette déesse indienne qui danse sur le corps inanimé de Shiva. L’une de ses mains est armée d’une épée, l’autre tient une tête qu’elle a coupée. Car en coupant la tête, Kali coupe les liens au mental, à l’égo de manière violente quand la manière douce n’a pas fonctionné. Mais son intention est toujours bienveillante, car elle veut le bien de chacun et le bien de l’humanité. Si on la regarde attentivement, ses deux autres bras font des gestes de bénédictions. Elle réunit en elle l’aspect « sauvage » et amour inconditionnel.

L’homme peut ressentir dans la femme un telle puissance dans les moments où elle glisse dans le « sauvage » qu’il peut vraiment soit en être effrayé, soit simplement ne pas comprendre ce qui se passe en elle. Comment une femme habituellement si douce, peut-elle se transformer en cette « furie » que rien ni personne ne semble pouvoir contraindre ? Mais ce n’est pas pour « tuer quelqu’un », elle « détruit un système » qui ne convient plus pour permettre la naissance de quelque chose de neuf, de plus adapté qui n’aurait pas pu voir le jour sans cette destruction. Nietzsche l’avait compris lorsqu’il disait : « Il faut avoir encore du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse »

La femme qui est dans ce mode « wild » suit alors ses envies, elle est guidée par son ventre et non plus par le mental. Il y a en effet quelque chose qui confine à l’irrationnel (depuis la perspective de quelqu’un animé par la raison bien entendu).

Shakti : N’avez-vous jamais eu envie, mes soeurs, de crier, d’hurler en plein milieu de la forêt ou de la nature ? De vous étendre sur le sol, totalement nue, et de vous laisser caresser par le vent, la pluie ou par le soleil ? De ressentir alors que vous ne faites plus qu’un avec le vent, la pluie, le soleil ? Qu’il n’y a aucune différence entre les éléments et vous ! N’avez-vous jamais eu envie de mettre les pieds dans l’eau de la petite rivière qui coule en contrebas de la route alors que des barbelés sont censés vous en empêcher l’accès ? De croquer dans une pêche bien mûre alors que vous êtes en public et que vous êtes certaines que vous allez en avoir plein les doigts, le menton, le chemisier ? N’avez-vous jamais eu envie, d’aller bien au-delà des règles, de briser ce carcan qui vous étouffe si souvent, de céder totalement à votre petite folie/furie intérieure et à faire fonctionner le monde dans un autre sens ? N’avez-vous jamais eu envie de faire l’amour, là, tout de suite, avec cet inconnu qui vous sourit de l’autre côté du wagon ? Peu importe qu’il y ait du monde dans ce wagon ou non ? N’avez-vous jamais senti en vous cette puissance incontrôlable qui monte en vous pendant un rapport amoureux qui fait que vous avez la sensation que vous pourriez, là, dans l’instant, faire l’amour à dix hommes successivement sans jamais être rassasiées ?

Et ceci est une réalité confirmée par le masculin. La femme la plus douce devient réellement « wild » dans un rapport amoureux, réclamant à l’homme qu’il s’abandonne à sa propre polarité mâle. Mais cet aspect sauvage n’est pas l’apanage exclusif du sexe féminin. Les hommes le rencontrent aussi et cela fait partie de leur expérience intime du rapport à la femme.

Shiva : Et toi, mon frère, n’as-tu jamais eu envie de posséder sauvagement une femme, de désirer la faire hurler de plaisir, de l’entendre jouir et crier « prends-moi » en la voyant s’abandonner sous la puissance de tes assauts après l’avoir couvert de caresses ? Et lorsque tu t’es laissé aller à ta virilité, à ce désir de prendre, n’as-tu pas senti cette énergie surprenante, archaïque, issue du plus profond des âges, qui vient animer tes reins d’une force incroyable, te transformant en taureau, étalon ou en cerf ? A ce moment là, tu as peut-être perdu toute contenance, et telle une boule de feu, tu as senti que la violence n’était pas loin, que quelque part à la fois tu désirais et chérissais cette femme plus que tout au monde et qu’en même temps tu avais presque envie de la dévorer, voire de la détruire sous les coups de boutoir de ta puissance.

Effectivement, au cœur de l’union sexuelle intense, tous les élans se rejoignent, toutes les émotions peuvent être vécues, toutes les énergies sont présentes… L’amour côtoie la destruction (ne veut on pas « manger l’autre » par amour ?), la lumière s’unit à l’ombre, rien n’est laissé de côté, rien n’est nié, tout est inclus dans ce réceptacle qu’est cette union à son paroxysme.

C’est pour cela que l’homme peut à ce moment avoir peur. Peur de la puissance de la femme qui donne l’impression d’en demander toujours plus, de ne jamais pouvoir être rassasiée, mais aussi peur de sa propre puissance aussi, quand il frôle les limites de la violence, et donc effroi devant sa propre « folie furieuse » de ne plus contrôler ses propres pulsions… Pourtant il n’y a pas lieu d’avoir peur : d’abord parce que la femme ne cherche pas à être rassasiée, – même si dans le ventre et le corps féminin la sensation s’apparente à une quête de satiété, cette énergie de vide est à l’origine de la créativité, le passage à des états plus profonds, plus cosmiques. Chaque fois qu’elle pense atteindre la satisfaction, un nouvel espace s’ouvre à nouveau sur le vide et cela se répète sans cesse à l’infini ! C’est ce processus qui amène la génération d’une énergie en elle assez fabuleuse qui peut faire passer les barrières de l’ego. Dans ce processus, la femme ne cherche pas à faire peur à l’homme, mais à ce qu’il vienne de son côté, et qu’il accepte de s’abandonner à son énergie virile sans plus rien contrôler, en laissant la force intérieure agir par elle-même, dans un lâcher prise yang. Et c’est ce qui permet à la femme d’aller plus loin encore car la femme ressent beaucoup plus l’état interne de l’homme que l’homme celui de la femme. Si l’homme a besoin que sa partenaire lui envoie des signes en gémissant et criant, c’est beaucoup moins vrai pour elle qui sent l’homme à l’intérieur même de son corps et qui réagit immédiatement en fonction de l’état « psycho-énergétique » de son partenaire. En gros, si l’homme n’est pas présent, s’il a peur, s’il est dans son mental, s’il cherche la performance sans être reliée à elle, la femme le sent immédiatement. C’est instinctif et elle n’a rien à faire pour cela. Mais si l’homme accepte de la suivre dans cette espace sauvage, où les bonnes manières n’ont plus cours, alors elle peut non seulement aller plus loin dans sa propre dissolution extatique, mais aussi s’unir plus profondément à cet homme-là.

La deuxième raison pour ne pas avoir peur, c’est que le cœur régule automatiquement les pulsions et empêche de dépasser les limites de la violence. Dans une union véritable, les sentiments d’amour sont puissants, et c’est ce qui permet d’accomplir tous les actes en les transmutant, ce qui contient tous les débordements : « aime et laisse-toi aller », pourrait être le mot d’ordre de l’amant. De plus, en allant totalement dans sa puissance, l’homme aide la femme encore plus sûrement à passer par-delà le voile de l’égo et à entrer dans une autre dimension, à se dissoudre. C’est l’énergie qu’ils co-créent ensemble qui amène ce passage pour l’un et pour l’autre. C’est en ayant le courage de contempler sa propre violence, sans s’y identifier, que l’homme avance dans son être, dans l’union avec soi-même, en rassemblant toutes les parties éparses qui vivent dans l’ombre et en les transmutant au feu du désir et de la passion.

Et il existe une troisième raison, pour ne plus avoir peur. A un niveau subtile, même si l’homme souhaite posséder totalement la femme (et comme on l’a vu, cela fait partie du processus d’union), quelque part, il ne peut le faire, car la femme est déjà possédée totalement par une force qui la dépasse.

C’est l’alliance de la douceur et l’ouverture avec ce côté « sauvage », vécu au grand jour, accepté et intégré en nous, cette reconnaissance de la puissance intérieure de la femme alliée à la dimension de « services » par delà l’ego qui fait pleinement accéder la femme au statut de Reine. (Note : à ce sujet on pourra lire l’article qui parle justement de cette alliance au travers du film ‘Black Swan’) Et lorsque les femmes sont dans cette alliance, dans cette puissance de Reine, le rapport amoureux change du tout au tout, et clairement il n’a plus grand chose à voir avec ce qui est communément admis comme étant « ce qui se passe traditionnellement dans un lit » .

On ne parle plus d’union d’un prince et de « sa » princesse (noter encore ici l’usage d’un possessif : sa princesse !). Il s’agit ici de la véritable union d’un Roi et d’une Reine. Cela peut-être une union pour la vie ou pour une nuit. Ce qui se passera après cette union n’a aucune importance. Les notions de durée, de temps, de sécurité, de possession n’ont plus aucun sens. Tout est réuni dans cette union et chaque seconde « est ». Tout est donné et uni dans l’instant. Il n’est question que de don de soi, de dissolution, de puissance, d’abandon, de connexion à d’autres dimensions, ainsi que de service et de vacuité dans ce type d’Union.

Cela peut commencer par une prise de contact presque traditionnelle, des caresses, des massages, des baisers, la rencontre des corps… Par le jeu des corps, des contacts, des touchers, la femme entre dans sa qualité d’Eve, douceur, ouverture, ondulations, pendant que l’homme, attentif et présent à sa partenaire, retient encore les chevaux fougueux du désir tout en connectant petit à petit sa puissance. La femme sent que cet espace sacré est sécurisé, installé et gardé par l’homme, quoi qu’il arrive. C’est la présence de l’homme à ce que la femme vit et ressent qui fait qu’elle peut aller connecter son énergie intérieure, cette forme de puissance qui la guide au-delà des règles, de la bienséance, de ce qu’il est convenu de faire dans ces moments. Puis Eve cède peu à peu la place à Lilith, l’indomptable… C’est cette énergie qui traverse la femme, qui monte depuis son ventre et rayonne par vagues vers son cerveau… Tout est alors possible ! La « sauvagerie » monte en elle avec une force incroyable provenant de la Source, de ce lieu où le Feu et le Vent animent et excitent la Terre et l’Eau. Petit à petit, elle sent le vide se faire au plus profond de son ventre. C’est le moment où elle souhaite directement ou indirectement la présence puissante du masculin en elle. Elle donne littéralement accès à l’homme. Si ce dernier est sensible, il peut ressentir comme une sorte d’appel provenant de la yoni (le sexe féminin) de sa partenaire. La Porte de Jade s’ouvre et cet appel est irrésistible. Parfois la femme peut venir très concrètement « prendre » l’homme en elle. Le vajra (le sexe masculin) de son partenaire peut être alors ressenti intérieurement comme un pilier central duquel émane des énergies qui viennent encore renforcer le flux des vagues que son ventre génère et qui montent vers son crâne… Il n’y a bientôt plus de différence au niveau énergétique entre le vajra de l’homme et la colonne vertébrale de la femme. C’est une colonne de lumière, un flux permanent d’énergie que la femme ressent alors dans son corps. Elle peut même avoir la sensation que cette colonne lumineuse, cette kundalini, traverse le chakra coronal et va bien au-delà d’elle. Nul besoin de bouger. La simple présence de l’homme presque immobile en elle peut produire ce miracle. Il n’y a plus que des vagues d’énergies en mouvement, qui rayonnent, et se diffusent petit à petit dans tout son corps. La plus petite cellule vibre de l’ensemble de ces influx énergétiques.

C’est à ce moment plus encore qu’à aucun autre que la femme a besoin de sentir la présence inaliénable de l’homme auprès d’elle. Car ces vagues d’énergie ne visent qu’une seule chose : la mort de l’égo de la femme et sa dissolution la plus totale. Et la force de ces vagues est bien souvent telle que, sous le regard de l’homme, la femme peut se sentir se dissoudre et accéder ainsi à un autre espace. Et la présence rassurante, sécurisante du masculin favorise et permet cette dissolution. Il arrive parfois un moment où le corps de la femme, son âme ne perçoit plus aucune différence entre l’homme, elle, et le restant de l’univers. Comme si la séparation n’existait plus et que la fusion énergétique agrandissait l’espace.

Pour l’homme, à ce moment, il est en effet très impressionnant de voir sa partenaire se dissoudre, se fondre dans quelque chose qu’il a contribué à produire mais dont il peut avoir l’impression d’être exclus. Lorsque la femme entre dans cet espace où il n’y a plus de « je », elle échappe à toute possession, à toute tentative d’être prise. Devenant totalement liquide, et telle de l’eau dans la main qui s’écoule par tous les interstices, elle échappe à toute prise.

Et c’est bien souvent là que l’homme semble s’arrêter comme s’il devait rester à la porte d’un grand mystère et attendre que la femme revienne de son voyage, transfigurée, pour qu’elle puisse l’inonder d’un bain d’Amour inconditionnel. Et l’homme peut craindre alors d’être absorbé, englouti, noyé dans le féminin. Et on peut comprendre que cela puisse donner cette impression car lorsque la femme entame sa dissolution, le vide s’installe en elle et elle devient ce vide. Mais il n’y a aucune volonté d’engloutissement de la part de la femme. A ce moment-là, elle est incapable de souhaiter quoi que ce soit pour elle-même, et donc encore moins d’avoir une once de volonté d’aliénation de l’homme. Pour elle, il n’y a plus que ce vide et cette sensation d’expansion en elle. Et ce vide, à la fois effrayant et attirant, est en fait une invitation pour que lui aussi se fonde, et meure à sa personnalité égotique pour renaître dans l’Unité au-delà de l’égo, en devenant simplement la face masculine de cette pièce où la femme tient le pôle féminin.

En effet, la femme, la Dakini, sait intuitivement que l’homme a également accès à cet espace., et elle ne rêve que d’une chose, que l’homme puisse l’accompagner dans ce voyage sans devoir rester à la porte à l’attendre. Et le masculin peut le vivre exactement de la même manière et en même temps que la femme, en acceptant lui aussi de se dissoudre dans l’élan et le vide produit par cette union. C’est alors comme s’il plongeait dans une mer tumultueuse et sombre, qui à la fois le submerge et en même temps l’accueille et le chérit. L’élément essentiel à ce moment-là est le cœur, l’amour profond qui le réunit à cette femme, cette reine, qui devient la porte du divin, la fenêtre de l’au-delà. S’il s’ouvre à ce qui vient en lui, il peut ressentir un débordement de son cœur, comme s’il venait à être emplit de tout l’amour de l’univers. Et dans cet amour, qui passe par cette reine et qui en même temps va bien au-delà, il s’unit lui-aussi au divin, l’ego se dissolvant naturellement, devenant simplement la face masculine de cet être divin, le Couple Divin, tandis que la femme prend le pôle féminin.

C’est en cela que l’acte sexuel peut être une forme puissante d’expérience spirituelle, chaque union devenant l’occasion de se rapprocher un peu plus du divin. Pour que l’homme puisse vivre cette expérience à son tour, il n’a donc rien de spécial à « faire », si ce n’est le courage de s’abandonner totalement et en confiance à ce processus de dissolution qui l’appelle. Cela relève simplement d’une forme de ‘lâcher prise’ ou plus exactement d’une non-résistance à ce qui est en train de se faire, à ce qui se passe dans l’instant sur un plan physique et énergétique, sans vouloir ni le forcer, ni le retenir, ni l’analyser, mais simplement le vivre, en acceptant ce qui est. Il ne s’agit surtout pas de chercher à « vouloir » expérimenter cet état ou des sensations particulières pour pouvoir accéder à cet espace. Simplement de se laisser couler dans cette énergie d’amour qui arrive naturellement si l’homme ose s’ouvrir, ose « se rendre » à cet appel qui vient du plus profond de l’être. Et bien entendu, cet amour est naturellement partagé, pour la femme cet amour s’exprimant par une reconnaissance complète et total de son partenaire. Toutes les dimensions sont regroupées dans cette forme d’Amour qui unit chacun à l’autre, et au delà à l’humanité toute entière et même à la Vie dans sa globalité (le Grand Tout).

Alors, dans ce type d’union, ceux qui vivent cela vous le diront, on a l’impression que ce n’est plus sexuel. Lorsque l’homme et la femme s’unissent pleinement dans cette alchimie d’amour et d’énergie, ce n’est plus vécu comme un accouplement sexuel (c’est bien au delà d’avoir un rapport sexuel et même de « faire l’amour »). Il est le véhicule qui a permis à ces deux êtres d’arriver sur une nouvelle terre, et ce qu’on appelle communément « le sexe » a en fait disparu, transfiguré par la puissance de l’amour et de cette interpénétration des âmes. Cela conduit parfois à une prise de conscience et le souhait d’œuvrer concrètement pour le bien et le collectif du monde, de transmettre ce qui vient d’être vécu pour que chacun puisse le vivre à son tour, d’accueillir sans plus lutter, le chemin que nous trace notre âme.

Attention, ce qui vient d’être décrit ne doit pas être pris comme une norme, mais plutôt comme une invitation à aller visiter cette forme d’union, sans exclure aucune autre forme. Quelle que soit la forme que revêt cette union, il s’agit simplement de prendre conscience qu’au delà des corps, mais à travers eux, c’est l’union des âmes qui est souhaitée si ardemment, une fusion des parts divines de l’un et de l’autre. Sur le plan énergétique, c’est la combinaison de la puissance créatrice et originelle des premiers chakras, transmutées par l’alchimie du Cœur, alliée à l’intuition et à la perception du sacré par le troisième œil, dans une reliance au cosmos par le chakra couronne.

Le masculin et le féminin reconnaissant profondément que les partenaires possèdent eux aussi cette ligne de connexion. Dans ce type d’union, chacun des partenaires se laisse guider dans ce dans quoi l’autre est « expert » en reconnaissant que le féminin peut vraiment faire passer l’homme dans une « autre dimension » de par cette connexion au 3ème œil et au cœur et que le masculin peut aider le féminin dans le passage des deux premiers chakras par la nature explosive de sa puissance.

Tant pour l’homme que pour la femme, il s’agit ainsi d’aller au-delà des modèles sociaux traditionnels, mythologiques ou religieux car il semble que même ces modèles portent en eux quelque chose qui ne convienne plus vraiment à notre époque. La femme sent naturellement cette transformation qui est en train de se faire, mais l’homme y est aussi convié (cf. l’article sur l’intérêt de l’homme a honorer le féminin). Tout se passe comme s’il fallait aller voir plus loin et plus grand que tout ce qui a existé jusqu’à présent. Nous sommes dans une période de création intense et tous nos schémas anciens sont à reprendre pour en créer de nouveaux. Il y a ainsi un vrai travail de créativité, de sortir des normes, des modèles à laisser se générer. Chacun reconnectant sa propre puissance « hors » domination de l’un sur l’autre, se coulant dans la vie, offrant le meilleur de soi à l’autre et aux autres en connectant la dimension sacrée de l’Amour comme voie d’Eveil…

Claire & Jacques