Par Jacques Ferber.

Noël est une période de l’année magique pour beaucoup. Vécue comme un moment de réjouissance, elle est le support parfait pour célébrer l’amour et la joie, (re)tisser des liens avec notre familles ou nos proches et d’une manière plus générale de passer du temps avec les personnes que nous aimons.

Enfant, je raffolais de Noël et de toute cette effervescence. J’adorais bien sûr les cadeaux, et les moments où l’on se précipitait vers le sapin de Noël, auréolé des boules et des décorations, tout à la joie de découvrir ces présents qui venaient, semblait-il, du ciel.

Mais par la suite, les pesanteurs familiales ont fait que j’ai ensuite vécu Noël comme une contrainte, comme un pensum social où l’on se doit de faire semblant d’être heureux. L’ouverture des cadeaux effectuée avec une certaine ostentation, les politesses que je voyais chez ma mère pour faire en sorte que tout se passe bien, les courbettes que chacun se devait d’effectuer pour se conformer à des règles que je ne comprenais pas, me mettaient mal à l’aise. Tout cela, que je vivais très mal pendant mon adolescence et ma vie de jeune adulte, ont inscrit en moi cette détestation de Noël, que je vivais comme une obligation sociale inutile.

Je fuyais ainsi cette période de l’année, oubliant le sens profond de ces rituels qui ont marqué notre civilisation pendant des siècles. Bien sûr, il s’agit d’une fête chrétienne, mais on sait que la date du 25 décembre a été choisie par l’Église chrétienne pour fêter la naissance du Christ.

En effet, au début du 4ème siècle de notre ère, personne ne se souvient de la date de naissance de Jésus. Et c’est en voulant faire concurrence avec la religion très prisée à Rome du dieu Mithra et du Sol Invictus (le soleil toujours victorieux) dont la naissance est définie le 25 décembre, que l’Eglise d’alors décréta que cette date serait celle de la naissance du Christ.

Mais indépendamment du christianisme, le solstice d’hiver a toujours été marqué par de nombreux cultes, car au cœur de l’hiver, au moment où l’obscurité est partout, où le soleil est au plus bas, les peuples cherchent à célébrer leur foi en la vie triomphante, ou tout simplement à surmonter leur peur que la lumière, ne réapparaisse jamais.

Nous avons du mal à comprendre la peur de l’obscurité nous qui vivons dans des villes toujours éclairées où il est difficile d’avoir du noir. Et pourtant cette illumination permanente ne date que de quelques dizaines d’années. Petit, je me souviens encore que tous les villages étaient noirs la nuit et qu’on ne s’éclairait qu’à la lueur de la Lune ou à celle, vacillante, de la torche que l’on avait avec soi.

Pour les peuples anciens, les ténèbres étaient partout et quelques jours après le solstice, lorsque les jours recommencent à croître, l’espoir peut renaître, et on peut célébrer ce moment: le soleil reparaît et avec lui la chaleur et les beaux jours vont revenir. Et bien sûr, avec cette renaissance, il s’agit de créer les conditions magiques pour que les moissons soient abondantes: il ne faut pas que le feu s’éteigne, sinon les présages sont trop néfastes pour les récoltes à venir et donc pour la famille et le clan. D’où le rituel de faire flamber la plus grande des bûches pendant toute la nuit.

C’est ainsi que les rituels de Noël tels que la le sapin qui ne perd pas son feuillage, la bûche qui brûle toute la nuit, les cadeaux et les repas festifs qui appellent magiquement l’abondance pour l’année à venir, sont autant de vestiges des peurs et des espoirs de nos ancêtres qui vivent encore en nous, comme en témoignent la pratique des Constellations Familiales.

Aujourd’hui, les inquiétudes ont changées de formes : pour nos ancêtres la nature toute puissante, était le domaine des dieux auxquels nous ne pouvions que nous soumettre. Aujourd’hui, nous avons peur des impacts de nos comportements sur l’environnement, et c’est justement la nature qu’il est important de protéger.

Mais nous sommes encore tissés de peurs et d’espoir. La guerre est là à nos portes. La misère est toujours bien présente. Notre angoisse du manque est encore prégnante dans notre esprit, comme le montrent nos réactions aux pénuries de carburant, ou aux risques de confinement. Heureusement, nous sommes ainsi faits que, on ne sait si c’est par ignorance ou par grâce, l’espoir demeure rivé au plus profond de l’humanité. Et c’est pour cela que célébrer Noël a encore du sens.

Cette fête nourrit l’espoir d’un monde meilleur, d’une humanité débarrassée de ses peurs, représentée dans nos légendes par la figure du “méchant” qui vit dans le pouvoir égotique et/ou le désir de semer le chaos sur Terre, en insufflant l’angoisse et la haine dans nos coeurs. Mais ce méchant est en nous, tapi dans nos ombres, prêt à accuser les autres de tous les maux (n’oublions pas que le mot Satan dérive d’un verbe hébreu qui signifie « accuser, s’opposer »).

Et pour dépasser nos peurs et nos haines, pour accéder à la lumière divine de notre être, un seul remède revient encore et toujours: l’Amour, sous sa forme Agape, c’est-à-dire reconnaître l’autre comme un “alter-ego”, un autre nous-mêmes.

Noël c’est ainsi ce rituel qui nous invite à voir au delà de nos peurs, de nos manques, de nos mesquineries (“c’est pas moi, c’est l’autre”), pour nous ouvrir à l’autre, aux autres, à l’humanité. La Vie est au delà de toutes nos histoires, bien qu’elle s’en nourrisse pour créer quelque chose qui nous dépasse. Célébrons l’Univers (ou le Divin ou la Source), car tout ce qui nous arrive est de son fait. Célébrons l’Amour qui est partout, et pourtant si souvent caché par nos ressentiments et nos blessures. Ouvrons notre cœur à l’autre, notre frère, notre sœur, et que toutes les voies spirituelles se réunissent. Elles ne sont qu’un escalier pour aller vers l’Un, ce qui est au delà de tous les mots. Célébrons ce miracle incroyable d’être là, vivant, ici et maintenant, et de cheminer ensemble sur le chemin de la Vie. Et que toutes les bougies que nous allumons ce jour là, soient autant de marques de notre adhésion à cette lumière divine. En allumant les chandeliers, ressentons que c’est en notre coeur que nous ranimons, encore et toujours la flamme.

Que la paix de Noël soit dans les coeurs, que l’espoir nourrisse nos esprits, que l’amour relie nos âmes et que la Joie illumine notre être !