Quand j’ai parlé du titre de cet article à plusieurs hommes, la première réaction a été très unanimement : « pourquoi initier le masculin à l’Amour ? Ne sait-on pas aimer ?» et en même temps que le débat se faisait autour de cette question, j’ai vu naître comme une évidence au fond de leurs regards. Cette évidence même qui fait que depuis la nuit des temps, les hommes sont attirés par les femmes, comme s’il y avait en effet, quelque chose que la femme possède et dont ils ressentent que cela leur permettrait de grandir et qui est à l’origine, à la source même de cette attirance – plus que n’importe quel effet esthétique des courbes féminines.

Mais alors qu’est-ce qu’une femme voit, pressent, ressent de différent ? Quelle est sa perception du mot « Amour » ? C’est clairement quelque chose de beaucoup plus vaste et de très éloigné de ces notions assez basiques finalement d’attachement, de mariage, de fidélité, de protection, de sécurité, dont on nous bassine à longueur d’émissions de télévisions, de films, de romans ou de chansons.

On peut vaguement appréhender ce que cela pourrait être lorsqu’on voit l’Amour qu’une mère a pour son enfant, fut-il le plus beau, le plus laid, le plus doué, le plus cancre ou le plus prometteur de sa génération. Les femmes ressentent que cette forme d’Amour sans condition peut être étendue à tous les êtres sans qu’un lien du sang ou de parenté ne soit nécessaire et que cette forme d’Amour bien plus vaste englobe l’univers au grand complet, et que la sexualité pure n’est qu’un tout petit aspect de cette forme d’Amour.

Je suis parfois impressionnée d’entendre cela exprimé de manière très claire par certaines femmes de la jeune génération dans les médias. Avez-vous, par hasard, entendu Juliette, candidate évincée de Secret Story 5, à la sortie de la maison il y a quelques semaines ? (Ici j’ouvre une parenthèse : je comprends qu’on puisse avoir du mal avec ce type d’émissions de télé réalité. Pour moi, je vois ce type d’émissions comme un laboratoire d’analyses psychosociologiques grandeur nature – au-delà du jeu, on peut y décrypter relativement facilement les tendances sociétales qui vont s’imposer, prendre de l’ampleur ou disparaître dans les mois à venir). Alors pour ceux qui ne connaissent pas ou ne suivent pas cette émission, Juliette est une amazone… Pour le jeu, elle s’est un moment identifiée à Aphrodite, déesse grecque de l’Amour ! À juste titre : elle a 20 ans, elle est belle, indépendante, libre, sauvage, lionne, n’a peur de rien et ne dépend pas d’un homme pour exister ni dans le jeu, ni dans sa vie de tous les jours… Il était possible de ressentir tout au long de l’émission, cette force intérieure, cette confiance en elle qu’elle génère automatiquement quoi qu’il arrive. Lors de son interview dans « l’After Secret » elle évoque clairement qu’elle peut ressentir de l’admiration pour une personnalité, une attitude, une façon de faire aussi bien pour une femme que pour un homme. Ce qu’elle ressent en elle à ce moment, touche à l’Amour, aux sentiments amoureux, à cette énergie, à cette vibration… Elle peut dire vraiment « Je t’aime » à une femme ou à un homme très indifféremment en l’aimant à un niveau plus global et très loin de la pulsion animale de base qu’on pourrait lui prêter, car on peut entendre, rien que dans la manière dont elle s’exprime, qu’elle parle à un niveau bien plus vaste !

Je pense sincèrement que nous pouvons toutes, assez facilement nous connecter à ce dont Juliette nous parle. Car à l’intérieur de nous, nous savons profondément que nous allons devoir probablement aller plus loin que ce qui est considéré comme normal et acceptable par la société pour pouvoir être pleinement dans notre puissance féminine. Une femme peut réellement naître à sa féminité lorsqu’elle laisse derrière elle son attachement à la conscience collective, aux croyances traditionnelles, aux institutions et dans ce qui est considéré comme culturellement acceptable par la collectivité. Car foncièrement la base de cette conscience collective est la peur et tout ce qui est généré par la peur.

Mais dans ce cas pourquoi « initier » le masculin à l’Amour ? Que permet « l’initiation » ? Depuis la nuit des temps, les rituels d’initiation permettent le passage d’un état à un autre. C’est un espace-temps différent qui permet la connexion à notre âme, notre divinité intérieure.

Dans certaines peuplades tribales africaines ou asiatiques, les rites d’initiations saluaient le passage de l’enfance à l’âge adulte. Dans l’Egypte antique, le passage par l’initiation faisait d’un homme ordinaire un pharaon soit l’incarnation sur terre du Divin. Ces rites, au travers de cette reconnexion à l’âme, investissent la personne de pouvoirs supplémentaires et d’une autre forme de conscience de la réalité environnante. Ils permettent le passage à une autre dimension de l’être.

L’initiation agrandit le cercle, la vision globale, confère des pouvoirs et fait prendre conscience d’une nouvelle forme de puissance. Comme s’il était nécessaire pour la femme de pouvoir aller connecter cette énergie d’Amour la plus pure telle qu’elle la perçoit, la ressent profondément au centre de sa sagesse pour amener le masculin à passer au travers de cette fusion qui permet l’alchimie, la transmutation du plomb en or, la transfiguration par l’Amour de l’homme qui devient à son tour une expression du divin.

En réalité, ce n’est pas tant que nous voulions « changer » l’homme, qu’il soit « initié » pour correspondre encore mieux à nos attentes ! Il s’agit bien d’autre chose. Là encore, nous voyons bien au-delà et pensons toujours au but ultime de cette initiation car nous pressentons si fortement en nous que cette forme d’Amour existe et est là, à notre portée. La femme a au fond d’elle quelque chose qui prend en compte le collectif, qui la guide bien souvent inconsciemment et qui tient en compte le bien-être humain à un niveau plus global bien au delà de son ego. Mais pour accéder à cette forme d’Amour-là, au-delà d’elle-même, au-delà de l’homme, certains rites de passage doivent être franchis.

Les hommes ont besoin d’être initiés par les femmes, pour devenir Roi, car sans initiation ils restent à l’état de Prince. Et nous connaissons toutes la chanson : « un jour mon prince viendra » ! Mais un prince n’est pas un être réalisé, il est « en formation ». Centré encore sur lui-même, il apprend son futur rôle de monarque, il n’a pas encore connecté sa puissance virile pleine et entière. Car l’archétype du Roi introduit une dimension supplémentaire : celle du service et de l’oubli de soi. En effet, au service de son Royaume, le Roi est amené à faire œuvre de sagesse pour le bien de ses sujets et du Royaume, et donc à oublier son ego au service d’une cause supérieure. »

La réalité quotidienne nous montre aussi que, contrairement à ce que nous croyons, l’homme cherche lui aussi une Reine et non pas une princesse. En effet Princesse Barbie est belle à regarder et il y a quelque chose de fragile en elle que les hommes adorent et qui réveille leur côté « grand mâle protecteur ». Mais, fait nouveau, il semble que le côté « besoin d’assistance en permanence » commencent à en agacer plus d’un également… et la plupart des hommes aimeraient une femme qui s’assume. Et justement, la femme dans sa puissance est une Reine qui n’a pas « besoin » de l’homme mais qui sait que, grâce à l’homme, elle pourra encore aller plus loin. Elle n’a pas peur de l’homme et n’a aucune rancœur contre le masculin. Elle ne relie pas son identité à cette conscience collective tissée de toutes ces violences faites aux femmes au travers des siècles.

Elle est totalement libre, n’appartient à personne. Elle reconnaît sa divinité intérieure et ne fait pas d’amalgame entre sa personnalité et cette divinité. Si je dis qu’elle aime qui est elle totalement, on pourrait croire qu’elle aime sa personnalité, son ego. Alors qu’elle ne fait que reconnaître que cette puissance passe au travers d’elle sans qu’elle n’ait quasi rien à y voir. Elle n’est pas en lutte contre le système actuel. Elle sait pourquoi on est amené à se débattre avec ce système. Elle respecte ceux qui fonctionnent dans ce système et comprend que ce choix-là soit fait. Elle montre simplement une autre voie. Ce n’est plus la peur qui domine ses actes, ni qui elle est. Elle a un jour laissé tomber les armes en sachant qu’elle est bien plus protégée sans les armes factices créées par le mental. Elle se présente dans la nudité la plus totale car en laissant tomber les armes, elle se connecte à la meilleure protection qui soit et qui gagne toujours : l’Amour.

Mais pour être pleinement Reine, les femmes doivent dépasser un obstacle en arrêtant de croire que les hommes en savent plus qu’elles sur la sexualité. Des générations de femmes ont cru cela, (moi la première !) et le pensent peut-être même encore. Cette croyance est basée en fait sur une généralisation (« tous les hommes ont ce savoir quasi inné et ont une relation à leur corps très fluide ! ») qui n’a pas de véritable fondement réel.

Car dans le même temps, et d’après les commentaires masculins que j’ai reçus, les hommes pensent que ce sont les femmes qui sont plus à l’aise avec leur corps ! Il est probable que, hommes comme femmes, nous ne regardions que les personnes qui sont très à l’aise avec leur corps : les belles femmes et les beaux hommes ! Et là, je généralise encore, car nous connaissons toutes de belles femmes qui sont en général très complexées et qui ne se déshabilleraient pas même chez un kiné. En réalité, dans la vie de tous les jours, elles font comme si elles étaient à l’aise… Mais ce n’est parfois qu’une façade.

On voit le danger d’une généralisation qui met une sorte de verrou sur la conscience collective en générant une croyance forte et donc des comportements qui ne tiennent absolument pas compte de la réalité individuelle. Nos croyances mais aussi ce que nous voyons à la télévision, les films, les romans que nous lisons, font que nous avons l’impression que l’homme arrive dans un lit avec une certaine expérience de son propre corps et de son propre plaisir, mais aussi du corps féminin, des réactions et du plaisir féminin. Bien sûr, nous voyons que dans la réalité ce n’est pas tout à fait vrai et que l’homme peut être intimidé même s’il joue le valeureux chevalier qui en a vu d’autres ! Il reste que bien des relations hommes-femmes sont basées sur ces projections conscientes et inconscientes. Comme la belle au bois dormant, nous attendons celui qui va nous faire sortir de notre torpeur, nous réveiller, nous révéler à nous-mêmes !

Il faut reconnaître que même de nos jours, nous, femmes, ne connaissons bien souvent qu’à peine notre propre corps ! Pourquoi sinon, encore à l’heure actuelle, les animatrices de stages de Tantra femmes, donnent-elles parfois un petit miroir aux stagiaires femmes afin qu’elles puissent prendre le temps de faire connaissance avec leur anatomie et leur intimité ?

Pour l’homme, voir son sexe, le toucher, le connaître dans ses moindres recoins est une évidence. Cela l’est souvent moins pour nous… Notre corps est muni de tellement de petits mécanismes secrets, chacun d’une précision et d’une finesse d’horlogerie suisse. Il suit les cycles lunaires, sans que nous ayons l’impression d’y être pour quelque chose, amenant sur nos rives vagues, flux et ressac, sécheresse, abondance, naissance… Certaines femmes, plus sensibles que d’autres ressentent ces choses et peuvent même intervenir consciemment sur tous ces mécanismes. Mais pour la plupart, tout cela reste un mystère…

Et si nous inversions les croyances ancrées en nous depuis si longtemps ? Si nous revenions simplement à notre ressenti profond : nous savons quelque chose sur la sexualité et l’Amour qui peut amener l’homme et la femme bien au-delà de leurs croyances limitantes, dans un univers aux possibilités infinies. Nous ressentons l’importance de cette initiation pour que les hommes puissent devenir pleinement Roi et se mettre au service de l’humanité, du collectif et non plus de leur ego. Nous ressentons également l’importance pour nous d’aller connecter cette sagesse intérieure pour être pleinement Reine…  Car sans Reine, pas de Roi ! Les traditions spirituelles qui axent leurs enseignements sur l’importance du rôle du féminin l’ont bien compris.

Ce que nous souhaitons, c’est une vraie rencontre avec l’homme, le Roi, dans un espace de découverte. Pour pouvoir initier l’homme à l’Amour, la Reine doit oser aller dans sa propre puissance, dans cette sagesse faite de douceur et d’ouverture, afin de laisser l’autre être totalement qui il est, et d’offrir cette liberté sans jugement en reconnaissant la perfection de l’autre.

Dans ce type de rencontre, le féminin offre cet espace dans lequel il n’y a ni attente, ni peur, ni croyance, ni besoin, rien que cette « vacuité », ce vide grâce auquel se révèle encore mieux toute l’interdépendance entre les humains, les événements, les choses. C’est cet espace de liberté, de « vide » qui nourrit l’homme autrement, qui l’attire encore mieux que n’importe quel filtre d’Amour. La femme fait entrevoir à l’homme un espace de créativité, dans lequel tout est possible, dans lequel il est totalement libre de déployer sa divinité et de devenir enfin Roi.

Notre désir profond, messieurs, est de vous emmener vers ces rivages-là et mieux encore…. Notre envie est d’aller explorer ces rivages avec vous ! C’est d’ailleurs cette exploration qui fera l’objet de mon prochain article.

De l’union d’un prince et de sa princesse, osons aller vers l’union d’un Roi et d’une Reine !

Par Claire Philips et Jacques Ferber