Par Jacques Ferber.

 

« Accepter est un mot magnifique – qui renvoie au fait de « dire la vérité » et de  « laisser entrer ». Accepter l’expérience présente – dire la vérité sur ce qui est réellement présent – c’est reconnaître que ce qui est présent a déjà été admis dans la vie. Les vagues qui apparaissent actuellement ont déjà été admises dans l’océan, et admettre qu’elles existent est au cœur absolu de cet enseignement. Se réveiller, c’est accepter qui l’on est vraiment ! »
Jeff Foster, L’acceptation la plus profonde

La grande acceptation, qui consiste à s’ouvrir totalement à l’expérience de vivre ce qui est là, maintenant présent, est la clé d’un grand bond en avant de notre évolution spirituelle.

Globalement, nous avons tendance à vouloir ce qui nous est agréable et à fuir ce qui est nous désagréable, à rechercher ce qui est « glop » et à éviter de qui est « pas glop » (glop et pas glop sont les deux seules expressions du langage de Pifou le neveu de Pif le chien). Ce faisant pour éviter des situations qui nous mécontentent, ou nous font peur, nous créons des situations encore plus complexes. Par exemple, pour ne pas dire quelque chose à quelqu’un dont on craint la réaction, on va construire des mensonges qui vont encore plus nous enfermer et créer ainsi un « drama », c’est à dire une vision de la vie pleine de hauts et de bas, très colorée émotionnellement, où les portes claques et les acteurs crient. Le « drama » est la réponse naturelle de la « victime » à tout ce qu’elle juge inadmissible, insupportable. L’inverse de l’acceptation.

Accepter profondément ou totalement, c’est accueillir pleinement toutes les impressions qui surgissent, sans la moindre résistance intérieure. Elle ne doit pas être confondue avec la tolérance ou la résignation, toutes deux passives et fatalistes. L’acceptation implique de prendre une position de conscience sans jugement et d’embrasser activement à la fois la situation, puisqu’elle est déjà acceptée par la Vie, mais aussi les pensées, sentiments et sensations corporelles qui nous habitent.

Accepter ce n’est donc pas se résigner à quelque chose venant de l’extérieur de nous, ce n’est pas s’obliger à quelque chose qui ne nous convient pas, mais comprendre profondément que nous sommes à l’origine de tout ce qui se passe dans notre vie. Ce n’est pas facile de voir que nous façonnons en permanence notre vie, par nos choix, nos décisions, mais aussi par nos croyances et notre manière d’appréhender le monde autour de nous.

Comme l’explique très bien Eckart Tolle :

Si vous étiez pris dans la boue quelque part, vous ne diriez pas : « Bon, je me résigne à être pris dans la boue. » La résignation n’a rien à voir avec le lâcher-prise. Il n’est pas nécessaire que vous acceptiez une situation indésirable ou désagréable. Il n’est pas nécessaire non plus que vous vous racontiez des histoires en vous disant qu’il n’y a rien de mal à être pris dans la boue. Au contraire, vous reconnaissez alors totalement que vous voulez vous en sortir. Puis, vous ramenez votre attention sur le moment présent sans mentalement l’étiqueter d’une façon ou d’une autre. En somme, vous l’acceptez tel qu’il est, sans opposition émotionnelle.
Puis vous passez à l’action et faites tout ce qui est en votre pouvoir pour vous sortir de la boue.
Eckart Tolle

Nous créons en permanence notre vie: notre patron ou nos employés, notre compagnon ou compagne, nos amis, nos enfants, et donc bien entendu notre vie au sens général. Vous avez décidé de vivre là où vous êtes. Je vis en dans le sud de la France. Pourquoi pas en Bretagne que j’adore, en Belgique où j’aime l’état d’esprit, en Thaïlande que je ne connais pas ou en Ecosse où j’ai effectué une année d’étude quand j’étais jeune ? A chaque moment je décide, que j’en sois conscient ou non, par élan, par peur ou par paresse, de vivre ici ou là.

Arnaud, un homme qui a fait tout le parcours de Tantra Intégral, a osé partir deux mois et demi seul au Mexique et au Guatemala, pour vivre ce qu’il désirait vivre depuis vingts ans. Avant de venir nous voir, il se comportait en victime de la Vie, n’osant rien et demandant aux femmes de le prendre en charge, en ayant une attitude de petit garçon. Les stages de Tantra lui ont permis de reprendre sa puissance en main et d’aller à la rencontre de lui-même, en osant partir pour une destination sans connaître le pays ou avoir de point de chute. Ce voyage fut plein d’enseignement, il a attrapé une intoxication alimentaire et le Covid, mais il a aussi vu des lieux incroyables dont des ruines Maya où il faut deux jours de marche dans la jungle pour y accéder. Et sur place, quelqu’un lui a permis de voir des masques qui sont encore cachés au public. Et il a nagé avec les dauphins à plusieurs reprises, un rêve de jeunesse. En plus de tout cela, bien entendu, il a fait des rencontres merveilleuses qui l’ont guidées dans ce périple.

Je l’ai vu à son retour de voyage. Il était un homme. Ses yeux bleus rayonnaient d’une joyeuse assurance, et toute son attitude et sa manière d’agir témoignaient de sa capacité à accueillir l’instant présent et ce que la Vie, à tout instant, lui propose.

C’est nous qui décidons à tout moment de ce qui se passe là dans notre vie, même si le processus de décision s’effectue le plus souvent de manière inconsciente. Ce n’est pas parce que notre habitus, nos manière d’agir et de vivre héritées de nos parents et de notre culture, nous pousse à revivre éternellement les mêmes événements, ou à rester enfermé dans des situations qui ne vous conviennent pas, que l’on ne crée pas tout cela ! Il suffit juste de prendre conscience de nos déterminants internes.

Par exemple, Pierre qui est médecin de campagne comme son père, et qui vit dans sa maison avec son épouse et ses deux enfants, en a marre de sa vie, de ses déplacements incessants, d’être réveillé en pleine nuit, de travailler quatorze heures par jour, etc. Il ne touche pratiquement plus sa femme et il voit peu ses enfants. Et il se plaint de ses patients, de son épouse, de la vie qui est de plus en plus dure pour les médecins de campagne, etc. Il ne voit pas qu’il a choisit tout cela, même s’il a été poussé dans sa vie par son père et par toute sa famille. En définitive, il a créé sa vie.

L’acceptation totale ce n’est pas pour Pierre de se résigner à cet état de fait mais de voir qu’il a créé cette situation, et qu’en tant que créateur, il peut décréer tout cela. A tout moment, il peut changer sa vie et vivre ce qu’il désire, mais tant qu’il restera dans la plainte, il demeurera une victime, sans puissance, sans capacité à pouvoir changer sa vie.

Accepter c’est d’abord accueillir ce que l’on ressent, écouter son intuition, ou ses voix intérieures, et pour Pierre, à sentir ce qui le pousse peut-être à changer de métier ou à l’exercer différemment. Et si nous n’arrivons pas à créer la vie qui nous convient, allons voir notre craintes vis à vis du changement, nos appréhensions vis à vis de ce que vont penser notre compagnon/compagne, nos enfants, notre famille et notre entourage.

Dans le domaine relationnel, accepter c’est d’abord comprendre que notre compagnon/compagne, n’est pas arrivé là par hasard, et que nous sommes là pour vivre et traverser quelque chose ensemble. Après la lune de miel, il arrive nécessairement un moment où « le vilain mari tue le prince charmant » comme Nougaro le chantait dans « une petite fille en pleurs ». Et là commence soit le regard en conscience sur ce que nous avons créé à deux, soit le « drama », les critiques, reproches et autres récriminations sur le comportement de l’autre.

S’accepter soi-même

La grande acceptation passe d’abord par s’accepter soi-même: accepter ce que l’on pense être des défauts, et même aimer l’endroit de sa « petitesse », là où l’on ne se sent « pas à la hauteur », « sans valeur », « nul.e », une « cause perdue », rien, « une m… ».

Accepter ses ombres, en arrêtant de voir le mal chez l’autre, alors qu’il n’est souvent que le reflet de nos propres désirs inconscients. Accepter ce qui nous arrive, car c’est notre âme qui nous a poussé là, pour vivre cette expérience là. Y mettre du jugement ne sert à rien, et la culpabilité et la honte ne peuvent que nous éloigner de notre centre, et nous faire quitter l’état de présence liée à cette grande acceptation.

Le chemin de l’acceptation passe par la Conscience, en osant “voir” réellement qui nous sommes, en accueillant nos ombres, toutes les parts que nous ne supportons pas en nous et que nous projetons sur les autres (cf. L’ombre). Elle passe aussi par l’Amour, c’est-à-dire par la bienveillance envers tout ce que nous sommes, en sachant nous pardonner (cf. Chapitre , à nous-mêmes d’abord, tout ce que nous nous faisons subir. Pourquoi avons nous consenti à cette relation toxique pendant si longtemps, pourquoi avons nous accepté ce boulot pénible et qui ne nous convient pas? Pourquoi acceptons nous les reproches de notre belle-mère (ou de n’importe qui) ? Pourquoi avons nous autant martyrisé notre corps avec de la nourriture néfaste et des substances nocives à la longue? Aller voir sans jugement, sans culpabilité ni honte tout ce que nous avons vécu, avec amour envers tout cela, comme un père ou une mère qui prend son enfant dans ses bras et ne juge pas ses comportements erratiques. Nous sommes devenus qui nous sommes maintenant grâce à tout cela, et sans avoir fait cette expérience là nous ne serions pas totalement humain, totalement vivant.

Cela n’est pas une autorisation à profiter de cette acceptation pour aller agresser les autres sur le prétexte “désolé mais je suis comme ça !”. S’aimer soi-même, et accueillir nos vulnérabilités, ce n’est pas croire que l’on peut déverser notre colère ou notre violence sur l’autre, sous prétexte que “maintenant je me connais et c’est mon besoin”. Non ! La violence sous quelque forme que ce soit n’est pas légitime, d’aucune manière, car elle vient à ne pas respecter l’intégrité de l’autre. De plus, elle est toujours la réponse à une non-intégrité personnelle, au fait que, justement, on n’a pas été à la rencontre de ses ombres et de sa lumière, et que l’on croit, encore, que c’est l’autre qui est responsable de notre état. Ce qui n’est jamais le cas, l’autre se contentant de réactiver des blessures et des croyances limitantes qui sont en nous.

La colère contre l’autre est donc toujours une réponse égotique à quelque chose qui vient nous blesser, une tentative de récupérer notre puissance en tentant d’abaisser l’autre par un comportement de dominance, et la décharger sur l’autre ne sert à rien. Cela ne signifie pas qu’il faut contraindre la colère, mais seulement qu’elle ne doit pas être dirigée et déversée contre quelqu’un. La colère est un exutoire, un déchet psychique qui besoin d’être relâché comme nos selles ou nos urines. Et de même que l’on ne défèque pas sur quelqu’un, on ne décharge pas sa colère sur cette personne. En revanche on peut aller crier dans la forêt ou taper dans un coussin. Là vous déchargez l’énergie de la colère sans en faire supporter cette énergie négative à l’autre, et vous vous sentirez mieux après, sans avoir à supporter le coup de boomerang de la colère dirigée contre quelqu’un.

Accepter, ce n’est pas se résigner !

C’est important de parler de la colère quand on parle de l’acceptation, car accepter, ou encore mieux “aimer ce qui est”, est vécu par beaucoup comme une résignation. Or quand on se résigne, quand on s’empêche de vivre dans son élan de Joie, on met un couvercle sur ses propres émotions et notamment sur sa colère. Or l’acceptation ne va pas contre la colère, bien au contraire. Elle demande d’aller à la rencontre de ce qui est à la source de cette colère, de cette blessure, frustration ou croyance limitante qui vient d’être activée.

Quand on a peur de la réaction de l’autre, on passe souvent en mode “soumis” qui se transforme ensuite en victime.

Caroline est danseuse et elle commence tout juste à donner des cours de danse. Elle devait co-animer un stage avec une amie, Chloé, plus avancée sur le plan pédagogique et qui donne des cours depuis des années. Mais Chloé tombe malade et ne peut assurer ce stage. Le directeur demande alors à Caroline d’en assurer seule l’animation. Mais elle s’en sent incapable, car les élèves qui se sont inscrits à ce stage sont déjà des danseurs chevronnés, et que le thème du stage est loin de ses propres compétences. Mais elle se sent en même temps incapable de dire “non”, et elle est prête à animer ce stage la tête courbée, en se soumettant à la demande du directeur.

En entrant dans l’espace d’acceptation, tout change: Caroline voit qu’elle se soumet car elle a peur de la colère de l’homme, et que derrière tout cela, ce sont les peurs des colères de son père qui sont réactivées, et qui la faisait trembler quand elle était jeune. De ce fait, elle n’est plus victime du directeur, mais encore emportée dans des conditionnements qui viennent de ses blessures de petite enfance. En se donnant de l’amour à cet endroit, en se pardonnant à soi-même d’avoir réagi ainsi, en se donnant le droit de refuser de faire ce stage dans ces conditions. Et en posant ce refus devant le directeur, non seulement il ne se mit pas en colère, mais il lui dit: “oui, je comprends, et je m’en doutais. On va reporter ce stage, ce n’est pas grave”. Et finalement, le fardeau du devoir et de la peur s’est totalement envolé. Même plus, Caroline a gagné en confiance en elle-même en osant être elle-même, à partir de la source d’Amour en elle et de la Conscience qu’elle a mis sur l’origine de ses peurs et de son comportement.

L’acceptation n’est donc pas une résignation, et bien au contraire, la première étape pour entrer dans l’acceptation consiste bien souvent à sortir de la résignation pour entrer dans l’espace où tout est possible. Accepter c’est s’autoriser à vivre nos élans, nos désirs, nos joies, nos tristesse, sans jugement. C’est ainsi une mise en lumière de tout ce qui est, une capacité à accueillir la Vie au delà de nos comportements de base et de nos conditionnements, pour aller à la source de la Joie qui est Amour.

Accepter, c’est déjà sortir de l’illusion que l’autre devrait se comporter d’une autre manière, et sortir des « il ou elle devrait ». Par exemple: elle devrait être plus douce, plus gentille à mon égard, il devrait être plus présent et m’écouter, il devrait être plus patient, elle devrait être plus ordonnée, etc. Croire que l’autre devrait se comporter d’une autre manière que celle qu’il ou elle a, est un bon début pour se faire du mal.

Car bien sûr, vouloir que la vie soit autrement que ce qu’elle est, elle le plus sûr moyen de créer son malheur. On peut taper, pester, regretter, on peut stresser, se mettre en colère, culpabiliser, cela ne fera rien changer de ce qui est. Cela n’aura pour conséquence que de nous placer dans dans un état intérieur de frustration et de ressentiment causé par notre mental qui nous dit, en boucle, que les autres, le monde ou soi-même devrait être ainsi. Non, je suis ce que je suis, les autres sont ce qu’ils sont et le monde est ce qu’il est. Point.

A l’inverse, si nous nous laissons porter par ce courant, ce flot, par ce qui est en joie à l’intérieur de nous, si nous agissons sans effort de manière juste pour nous, si nous nous fions à tous ces indices intuitifs qui nous dirigent naturellement, et surtout si nous ne cherchons pas coûte que coûte à avoir raison, et enfin si nous savons mettre de l’humour au lieu de nous prendre au sérieux, automatiquement la vie va paraitre plus simple, plus douce, plus belle et tellement plus agréable et facile à vivre. Nous ne luttons plus pour que la vie soit autrement, et nous vivons à notre rythme dans l’amour de ce qu’elle nous apporte.

Le passage de « Je résiste à ce que la Vie et les autres me proposent, car ils devraient se comporter autrement » à « wouah, c’est merveilleux ce qui m’est proposé par la Vie de faire l’expérience » résulte d’une transformation intérieure qui consiste à passer de l’ego-mental à la voie de l’intuition et de l’amour, du combat à la fluidité.

Etonnamment, quand on a compris que toutes nos résistance procèdent d’illusions créées par notre mental, cela n’est pas si difficile d’effectuer cette transformation intérieure. Comme dans le lâcher-prise, il suffit d’arrêter de résister.

Si vous voulez que la réalité soit différente de ce qu’elle est, autant essayer d’apprendre à aboyer à un chat. Vous pouvez redoubler d’efforts, au bout du compte, le chat continuera à vous regarder en faisant « miaou ». vouloir que la réalité soit différente de ce qu’elle est totalement absurde. Vous pouvez passer le reste de votre vie à essayer d’apprendre à aboyer à un chat.
Byron Katie, le Retournement

Comme je l’ai dit plus haut, cette grande acceptation, ou ce grand accueil, commence par nous-mêmes: accueillons notre corps tel qu’il est, nos goûts tels qu’ils sont, accueillons les autres tels qu’ils sont, ne cherchons pas ailleurs la source de l’Amour qu’en nous-mêmes, et en même temps, accueillons cette quête qui nous fait voyager, ce désir de l’Ailleurs, ce vide intérieur qui nous fait croire que l’herbe est plus verte dans le pré d’à côté. Et avançons, sans en être dupe, avec la Joie de vivre du Bouddha rieur en nos coeurs. (cf chapitre )

Et je voudrais citer encore une fois, Jeff Foster, un auteur et un enseignant spirituel merveilleux, qui m’a fait sentir l’importance de l’acceptation (et non de la résignation) pour vivre heureux, au delà de nos devoirs, de nos peurs, et surtout de nos croyances:

Pourquoi faut-il souvent des situations de vie extrêmes pour ramener une conscience de la magie et du mystère de la vie ? Pourquoi attendons-nous souvent d’être sur le point de mourir pour découvrir une profonde gratitude pour la vie telle qu’elle est ? Pourquoi nous épuisons-nous à chercher l’amour, l’acceptation, la célébrité, le succès ou l’illumination spirituelle dans le futur ? Pourquoi travaillons-nous ou méditons-nous jusqu’à la tombe ? Pourquoi repoussons-nous la vie ? Pourquoi nous y soustrayons-nous ? Que cherchons-nous exactement ? Qu’est-ce que nous attendons ? De quoi avons-nous peur ? La vie à laquelle nous aspirons arrivera-t-elle vraiment dans le futur ? Ou est-elle toujours plus proche que cela ? »
Jeff Foster, L’acceptation la plus profonde