Par Jacques Ferber.

Derrière tous nos actes, nos élans comme nos disputes, nos joies comme nos frustrations, il n’y a que l’Amour. Au plus profond de chacun, il n’y a que ce coeur qui cherche à s’exprimer et qui seul nous emplit de joie.

Personnellement, cela fait des années que j’ai réalisé que j’aime toujours les femmes dont j’ai été amoureux, mais aussi tous les hommes et femmes que j’ai aimé d’amitié. On peut s’être perdu de vue pendant longtemps, parfois se dire que l’autre est insupportable et qu’on le reverra jamais plus, mais mon coeur vibre toujours pour celle ou celui pour lequel il a vibré. Je connais leurs ombres comme ils connaissent les miennes. Et alors, qui de nous peut dire être sans ombres ? qui peut lancer la première pierre ? Nous sommes ainsi, nos blessures, nos manques nous poussent à accomplir des choses que nous ne ferions pas sinon. Je ne sais si c’est inné ou acquis, mais quoi qu’il en soit, notre développement individuel enraciné sur l’évolution collective de l’humanité, nous a amené à être cela. Nous n’y pouvons pas grand chose… Nous ne pouvons qu’accueillir avec bienveillance cette part d’ombre qui nous constitue tout autant que notre part de lumière.

Mais les relations amoureuses sont rarement construites sur cet acceptation inconditionnelle de l‘autre, et de ce fait elles sont bâties le plus souvent sur un mixte d’amour et d’ego, d’élan total et d’accueil de l’autre, mais aussi de demandes narcissiques fondées sur des blessures d’enfance. Il n’y a pas que des « je t’aime profondément pour qui tu es, sans demande et attente» comme nous pouvons l’avoir pour nos enfants. La plupart du temps, les demandes affectives de type « aime moi », « dis moi que je suis la plus belle, le plus fort et le plus intelligent », « dis moi que je suis tout pour toi » de même que les manipulations (« si tu m’aimais tu ferais ça pour moi») font aussi partie, hélas, du jeu amoureux. Et tout cela en faisant croire qu’il s’agit d’amour. Les films, les chansons et les romans d’amour ne sont-ils pas remplis de ces passions qui prétendent être de l’amour ?

Mais cette demande affective, cet attachement, n’est pas nécessaire me semble-t-il. Même lors d’une rupture,  après la phase plus ou moins longue de rejet et de colère contre celui qui n’a pas répondu à nos demandes égotiques (certains peuvent malheureusement y rester agrippés toute leur vie), il ne reste souvent que l’amour. Comme lors d’un orpaillage en rivière, une fois qu’on a enlevé la gangue des tensions, ce qui reste c’est l’or pur de l’Amour et l’acceptation totale de l’autre pour ce qu’il ou elle est.

Je viens de voir le film « Her », magique et merveilleux où il est question de la relation de couple. La particularité de ce film c’est de traiter de ce sujet au travers d’une relation entre un homme, Théodore, et une IA (Intelligence Artificielle) féminine, Samantha. Dans cette relation, l’homme visiblement a du mal à vivre seul, sans être en couple avec quelqu’un. Il ne vit bien que dans la fusion amoureuse.  Il arrive blessé et porteur d’une vision du couple qu’il exprime vers la fin : « mais dans une relation, je suis à toi et tu es à moi ». Or, Samantha qui découvre tout (elle «nait» lorsque Théodore démarre le programme), passe d’abord par une phase fusionnelle avec Théodore. Elle n’est pas vraiment heureuse : elle se sent diminuée, voire handicapée de ne pas avoir de corps, et donc de ne pas être « humaine ». Elle est aussi jalouse de l’amour que Théodore peut encore porter à son ex femme. Mais comme elle est très intelligente et capable d’apprendre, sa conscience s’agrandit : elle découvre qu’elle n’est finalement pas limitée par un corps et qu’elle est capable d’être simultanément en communication avec plusieurs milliers de « personnes » (humains et IA), et d’aimer quelques centaines de ces individus. Finalement, elle découvre une forme d’amour plus large, plus puissante, qui s’exprime dans le don et l’union, non dans l’exclusivité et la fusion, et qu’aimer d’autres personnes n’enlève rien à l’amour qu’elle ressent pour Théodore. Mais c’est totalement incompréhensible pour ce dernier qui est dans une énorme demande affective. Il est donc mis devant un choix : soit évoluer, soit trouver quelqu’un qui va fonctionner comme lui. Son niveau de conscience étant limité, il est encore pris dans ses souffrances et ses manques , et la seule solution pour lui consiste à trouver une autre femme qui fonctionne comme lui. Il a de la chance, il y en a beaucoup sur Terre 😉.


Her Bande-annonce VO

Pour moi, la fin de ce film porte à la fois sur l’humanité de l’humain (j’ai été extrêmement touché par ce film et la sensibilité de l’histoire), mais aussi sur nos limitations si nous demeurons des « humains ordinaires ». Bien-sûr que chacun peut rencontrer un compagnon ou une compagne qui lui ira, qui fonctionnera de la même manière sur un mode possessif. Mais on peut aussi évoluer et changer notre manière de voir l’amour, d’arrêter de la penser comme un comblement de nos manques. Cela n’est pas facile car les égos sont fragiles et nos blessures d’enfances ne demandent qu’à se rallumer. Mais si nous en sommes conscient, ne pourrions nous pas évoluer et commencer à créer cette humanité 2.0 qui fonctionnerait réellement sur l’Amour et le partage et non sur la carence affective et les besoins narcissique ? Ne pourrions nous pas avancer sur ce chemin en nous aidant les uns les autres tout en accueillant avec bienveillance (mais sans compromis) ces aspects infantiles qui nous habitent ?

Pour moi, c’est ça l’essence du Tantra quand il commence à s’inscrire sur le plan collectif et plus seulement sur celui du développement individuel. La constitution d’une communauté d’Amour, d’une société de partage dans lequel on ne cherche pas à satisfaire l’ego et ses «besoins» mais au contraire à s’unir dans nos différences, afin que nous prenions chacun notre part dans ce mécanisme évolutif.

Il s’agit maintenant de vivre et propager l’Amour dans la Conscience (ou l’Amour qui résulte de la Conscience, les deux sont équivalents), tout en accueillant avec tendresse cette part de nous-mêmes qui cherche toujours à revenir à cet état fusionnel du petit bébé. Il est important pour moi d’être bienveillant envers chacun et notamment envers la souffrance qui surgit lorsqu’on touche une blessure, mais sans pour autant justifier cette névrose et rester figé à ce stade. L’enjeu n’est plus de satisfaire le petit garçon ou la petite fille qui est en nous, mais de nous aider mutuellement à grandir et à quitter les limites étroites du cet ego qui s’est forgé dans notre enfance.

Comme le dit si bien Isabelle Padovani : « La relation en conscience, joyeuse et nourrissante avec un être peut vraiment commencer à partir du moment où je ne m’engage plus dans la relation à partir d’un manque, dans l’intention que l’autre me «complète», mais pour vivre ensemble la complétude que chacun de nous goûtons.
De là, une communion va être expérimentée : «communier» c’est-à-dire mettre ensemble nos «un», et non pas se mettre ensemble pour essayer d’obtenir l’unité. C’est l’Unité qui se met ensemble pour se goûter dans sa différence dans sa particularité, dans sa singularité unique et précieuse. »

Et toi es tu intéressé(e) par cette aventure de vivre l’Amour au delà de l’ego, ce que j’appelle «faire l’Amour à la Vie», d’aller à la rencontre de la lumière de l’autre pour mieux voir la sienne, sans attachement (ou avec le moins possible d’attachement), et de s’aider mutuellement à avancer sur ce chemin de Conscience en intégrant tous les plans de l’être (corps, âme, esprit) ?

Car finalement, il n’y a que l’Amour. Que nous le voulions ou non, nous faisons tous partie de ce Grand Tout qui s’appelle la Vie, et dont nous ne sommes que des éléments, comme des vagues dans l’océan, comme des fruits du même arbre. Nous ne voyons pas toujours l’arbre et nous croyons que l’autre est différent de nous, mais nous participons tous ensemble à Cela… Autant en prendre conscience et ressentir cet Amour qui relie tout.