Par Jacques Ferber.

On dit parfois que les pensées créent le monde, ce qui signifie qu’en changeant notre mode de pensée, nous modifions le cours des événements et créons ainsi un monde nouveau. En fait, tout réside dans notre perception et nos croyances : comment nous voyons les choses, comment nous les interprétons, comment nous les jugeons. Et ces croyances donnant lieu à des actes, et aussi à la création de champs d’énergies le monde réagit à nos actions et productions et il nous renvoie les conséquences de nos actes, et donc celles de nos actions. Si vous avez peur qu’un serial-killer entre chez vous, que vous vous enfermiez tous les soirs à triple tour, et que vous vous interdisiez de sortir le soir de peur de le rencontrer, il est certain que tout ce qui se dégagera de vous c’est la peur, et que vous aurez beaucoup de mal à rencontrer le prince charmant. Inversement, si nous croyons aux elfes et aux lutins, nous serons les premiers à les sentir nous rendre visite lors d’une promenade dans les bois. Et croire aux fées et aux philtres d’amour peut nous faire voyager au pays du cœur et de la passion…

En psychologie on se méfie des couples trop fusionnels et de ceux qui vivent en dehors du monde, comme si la normalité était la règle. Comme le disent certains, la psychologie tend à faire de nous des êtres « fonctionnels », c’est à dire mature, adultes, capable de vivre de manière intègre et responsable. La spiritualité ouvre d’autres portes, car elle ne cherche pas à nous soigner, mais à nous libérer de nos chaînes, et en premier lieu de notre mental. S’éveiller, c’est se rendre compte que tout ce que l’on croit et prend pour vrai n’est qu’une construction, une illusion créée par les conventions, les besoins primaires, mais surtout secondaires, les désirs d’être quelqu’un, d’être reconnu, aimé, etc… Nous vivons dans le besoin d’ériger notre vie en histoire, comme si elle était importante, comme si ce que nous faisions était sérieux. Alors que ce sérieux n’est que le produit de notre propre imagination collective. Nous pouvons rire aux éclats, comme le font certains éveillés, ou simplement vivre comme nous l’entendons…

Si le monde est une illusion, l’éveil permet de vivre toutes les illusions. Nous pouvons être présidents ou voleurs de grands chemins, savant ou concierge, ou un peu les deux comme dans la gardienne d’immeuble de L’élégance du hérisson. Pourquoi choisir quand on peut tout être à la fois ? Croire en l’amour romantique nous rend malheureux lors d’une séparation, alors que créer un monde romantique c’est vivre un rêve qui devient accessible le temps d’une danse, d’un été, d’une romance, c’est vivre intensément sans chercher à ce qu’il dure pour toujours, même si on le vit pour l’éternité…

Donc oui à l’amour romantique et fusionnel, s’il s’agit de le créer de toutes pièces, comme des enfants qui joueraient à faire « comme si » en y croyant assez pour que cela devienne crédible. Tu es ma princesse, je serais ton chevalier… Je pose mes lèves douces sur ta peau qui m’ensorcelle, et tu m’accueille dans ces espaces cosmiques où je me fond en toi, quand je t’offre mon élan et mon âme. Ce sont nos croyances qui donnent corps au monde, de manière négative ou positive.
Si la vengeance et les guerres trouvent leur source dans notre manière de voir le monde, il en est de même de l’amour, de cette sainte folie qui nous pousse à voir l’autre à la lumière du cœur et non de la raison. Lorsque nos âmes se touchent, on peut danser avec les sorcières et les divinités de l’imaginaire, qui sont peut être plus réelles qu’on ne le croit. Dans Vous allez rencontrerer un bel et sombre inconnu, Woody Allen met en scène tout un ensemble de personnes animées par le désir de réussite et de possession qui, au final, s’en tireront très mal. Seule la femme, assez naïve pour croire les prédictions d’une voyante reconnue pour sa faible compétence, obtiendra ce qu’elle cherche. Chacun a créé le monde à sa manière, mais toutes ces créations n’ont pas la même saveur. Si nous vivons dans l’illusion de nos croyances, autant qu’elles soient nourries par le cœur, afin que le monde qui en résulte soit plus agréable et harmonieux. Si nous pouvons choisir notre monde virtuel, autant qu’il soit enthousiasmant à vivre, qu’il nous amène à vivre nos passions, qu’il nous enchante. On peut vivre dans la cohue parisienne ou à côté d’un ruisseau dans un val ensoleillé, on peut vivre dans le stress ou dans la paix de l’âme. Aucun n’est plus vrai que l’autre (quoique…), mais lequel apporte le plus de bonheur?

Il me semble ainsi que sortir de nos conditionnements et de nos peurs qui nous obscurcissent l’esprit et créent notre souffrance, n’est que le premier acte : le second consiste à créer ce monde de paix et d’harmonie dans lequel nous voulons vivre, même si nous savons que, de manière absolue, il est aussi illusoire qu’un univers de violence et de guerres. Toutes les illusions n’ont pas la même saveur, toutes les virtualités ne sont pas identiques. S’éveiller c’est peut être tout simplement découvrir la puissance de l’esprit pour produire le monde que nous désirons créer, sans pour autant être totalement dupe de sa valeur, nécessairement relative. Pour ma part, je pencherai bien vers un monde enchanté peuplé de belles princesses et de preux chevaliers, allant main dans la main, fusionnant leur cœurs et leurs corps (bon, on va dire des princesses et des chevaliers tantriques, sinon c’est pas drôle :-)), pour s’unir en extase divine… Cela ne vous déplairait pas non plus, n’est ce pas ? A nous de le créer. Tout est possible dans ce vaste jeu vidéo qu’est la Vie…